2020, l’année de l’affirmation de la puissance turque

Le 10 décembre, le Président turc Erdogan et son homologue azerbaïdjanais Aliev assistent à un « défilé de la victoire » à Bakou. Le soutien turc a été décisif dans la victoire de l’Azerbaïdjan.
Le 10 décembre, le Président turc Erdogan et son homologue azerbaïdjanais Aliev assistent à un « défilé de la victoire » à Bakou. Le soutien turc a été décisif dans la victoire de l’Azerbaïdjan. ©AFP - Mustafa Kamaci / TURKISH PRESIDENTIAL PRESS SERVICE / AFP
Le 10 décembre, le Président turc Erdogan et son homologue azerbaïdjanais Aliev assistent à un « défilé de la victoire » à Bakou. Le soutien turc a été décisif dans la victoire de l’Azerbaïdjan. ©AFP - Mustafa Kamaci / TURKISH PRESIDENTIAL PRESS SERVICE / AFP
Le 10 décembre, le Président turc Erdogan et son homologue azerbaïdjanais Aliev assistent à un « défilé de la victoire » à Bakou. Le soutien turc a été décisif dans la victoire de l’Azerbaïdjan. ©AFP - Mustafa Kamaci / TURKISH PRESIDENTIAL PRESS SERVICE / AFP
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Le Président turc Erdogan a changé la donne sur plusieurs conflits en 2020, en Libye ou dans le Caucase, profitant du chaos stratégique autour de lui, et à Washington. Qu’en sera-t-il en 2021, avec l’administration Biden ?

S’il fallait désigner une puissance de l’année 2020, ce serait incontestablement la Turquie de Recep Tayyip Erdogan. Cela ne serait évidemment pas un hommage à sa contribution à l’apaisement des tensions dans le monde ; mais au contraire une reconnaissance de son audace stratégique, qui en fait une puissance capable de changer la donne sur plusieurs "fronts" simultanément.

Au passage, le Président turc n’a pas peur de provoquer des alliés - ou rivaux, on ne sait plus vraiment -, en principe plus puissants que lui, qu’il s’agisse de l’Europe, de la Russie, ou même dans une certaine mesure, des États-Unis. Et il en profite aussi pour renforcer son contrôle politique et autoritaire sur la société turque, qui s’éloigne chaque jour un peu plus des rivages démocratiques et de l’état de droit.

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Hier, le parlement turc, majoritairement contrôlé par le parti AKP d’Erdogan, a voté une loi théoriquement antiterroriste, qui restreint en fait un peu plus les organisations non-gouvernementales et la société civile. Le gouvernement s’octroie en réalité un droit de vie et de mort sur les ONG turques ou internationales travaillant dans le pays, selon le directeur d’Amnesty International-Turquie.

Le Président turc, un islamo-conservateur selon la définition convenue, a perçu dans le chaos des dernières années, une opportunité stratégique de faire grandir l’influence de la Turquie ; ce que beaucoup interprètent comme un rêve de retour à la grandeur ottomane disparue il y a 100 ans.

On l’a ainsi vu à l’œuvre militairement dans le nord de la Syrie, en Libye, en Méditerranée orientale, et dernièrement dans le conflit entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie autour du Haut Karabakh. Dans ce dernier conflit, ce sont les drones armés et ce qu’on appelle les « munitions rodeuses » turques qui ont fait la différence, et permis à l’Azerbaïdjan de remporter une victoire décisive. Erdogan était récemment à Bakou pour un défilé de la victoire.

La semaine dernière, c’est en Libye que le ministre turc de la défense est allé relever le défi lancé par le maréchal Haftar, le chef militaire de l’Est libyen, qui a lancé un appel à prendre les armes contre ce qu’il a appelé « l’occupation turque ». L’émissaire d’Erdogan l’a traité de « criminel de guerre » et l’a mis au défi de s’opposer à l’armée turque.

Qu’est-ce qui peut arrêter la Turquie ? Le Président turc répond aux rapports de force. Lorsque la Russie a sifflé la fin de la guerre dans le Caucase, la Turquie et son allié Azerbaidjanais sont rentrés dans le rang. Et elle joue au chat et à la souris avec l’Europe dont elle pense qu’elle est incapable d’imposer un véritable rapport de force, en raison de ses divisions, de la peur de l’immigration, et de ce qu’Erdogan considère comme un véritable déclin européen. 

La seule puissance qu’il ménage, c’est la Chine : Erdogan dénonçait il y a quelques années le sort des Ouigours turcophones de l’Ouest chinois qu’il qualifiait de « génocide » ; il se tait aujourd’hui en échange d’avantages économiques vitaux alors que l'économie turque est en crise.

Restent les États-Unis : il avait su jouer de la girouette Trump, même si à la fin, l’achat d’armes russes lui a valu des sanctions américaines. C’est l’une des inconnues de 2021, le comportement de l’administration de Joe Biden vis-à-vis d’un allié turc devenu un électron libre pour ses propres intérêts. Pour Erdogan, ce sera l’heure de vérité de sa puissance émergente.