A Hong Kong, il suffit d’appuyer sur la touche « effacer » pour réécrire l’histoire

Décembre 2019,Hong Kong, des manifestants pro-démocratie installent un slogan lumineux « Free HK », « Hong Kong libre » au cœur du territoire autonome. Aujourd’hui, la reprise en mains est en marche.
Décembre 2019,Hong Kong, des manifestants pro-démocratie installent un slogan lumineux « Free HK », « Hong Kong libre » au cœur du territoire autonome. Aujourd’hui, la reprise en mains est en marche. ©AFP - ISAAC LAWRENCE / AFP
Décembre 2019,Hong Kong, des manifestants pro-démocratie installent un slogan lumineux « Free HK », « Hong Kong libre » au cœur du territoire autonome. Aujourd’hui, la reprise en mains est en marche. ©AFP - ISAAC LAWRENCE / AFP
Décembre 2019,Hong Kong, des manifestants pro-démocratie installent un slogan lumineux « Free HK », « Hong Kong libre » au cœur du territoire autonome. Aujourd’hui, la reprise en mains est en marche. ©AFP - ISAAC LAWRENCE / AFP
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La radio-télévision publique hongkongaise a commencé à effacer certains documents de ses archives, faisant craindre une tentative d’occulter le souvenir des manifestations pro-démocratie de 2019. Une méthode déjà appliquée en Chine continentale.

Imaginez que Radio France décide d’effacer une partie de ses archives, ou que l’INA, l’institut national de l’audiovisuel, élimine de son immense mémoire numérisée, toute trace d’un événement ; par exemple du mouvement des Gilets jaunes, ou d’une personne devenue tabou. 

Ca pourrait être le scénario d’une dystopie à la Orwell ; mais c’est pourtant ce qui semble se produire à Hong Kong, le territoire chinois théoriquement autonome, mais en train d’être sérieusement repris en mains par Pékin. La Radio-Télévision publique hongkongaise, la RTHK, est en train d’effacer certains de ses programmes antérieurs à un an, y compris de ses chaines sur YouTube et les autres réseaux sociaux. 

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Un an, c’est-à-dire que risquent de disparaître de la mémoire du principal média public, les programmes consacrés au vaste mouvement pro-démocratie qui a secoué le territoire en 2019, avec des rassemblements d’un million de personnes ; ou à la « révolution des parapluies », en 2014, lorsque le centre de Hong Kong fut occupé pendant des semaines par des manifestants pro-démocratie.

A tous points de vue, depuis l’été dernier et l’adoption d’une loi sur la Sécurité nationale, Hong Kong est en train de suivre le modèle chinois. La réécriture de l’histoire fait partie intégrante de ce modèle.

Prenez le massacre de Tiananmen, dans la nuit du 4 juin 1989, le monde entier sait, ou a les moyens simples de savoir, ce qui s’est passé cette nuit-là au centre de Pékin, lorsque l’armée a écrasé le mouvement étudiants en faveur de la démocratie. Tout le monde, sauf les Chinois eux-mêmes. Une recherche sur Baidu, le Google chinois, ne donnera que des renseignements touristiques sur la place la plus visitée de la capitale, et les requêtes à l’étranger sont soigneusement filtrées. Résultat, une génération entière a grandi sans savoir ce qui s’est réellement passé en 1989, ou à chacune des pages sombres de l’histoire du Parti communiste chinois, le « Grand bond en avant » et ses millions de morts, ou la Révolution culturelle et ses persécutions.

Il ne suffira pas d’effacer la mémoire de RTHK pour que les Hongkongais oublient ce qui s’est passé en 2019 et 2020, mais c’est le début d’un processus de mise en conformité de l’histoire avec la nouvelle réalité politique.

L’alerte a été lancée par des Hongkongais qui se sont mis à faire des copies des reportages ou débats qu’ils ne veulent pas voir disparaître. Bao Choy, une documentariste hongkongaise qui a déjà des ennuis avec la justice à cause de son travail, a tweeté sur la lutte de « la mémoire contre l’oubli ».

Mais avec les principaux animateurs du mouvement pour la démocratie désormais en prison ou en exil, dont le jeune Joshua Wong, ou le patron de presse Jimmy Lai, les Hongkongais savent que ce combat est sans doute perdu d’avance.

Beaucoup se réfèrent à George Orwell et sa célèbre citation de « 1984 » : « celui qui a le contrôle du passé a le contrôle de l’avenir ; et celui qui a le contrôle du présent a le contrôle du passé ». Aujourd’hui, le présent, et donc le passé, appartiennent à Pékin : il lui suffit d’appuyer sur la touche « effacer » d’un ordinateur.

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