après avoir discuté retrait des troupes américaines, les Talibans vont discuter partage du pouvoir et avenir des institutions afghanes avec Kaboul. Autrement dit, ils ont remporté la partie.
On entre dans la phase finale des pourparlers de paix en Afghanistan avec la réunion, depuis le 29 avril et jusqu'à vendredi, d'une Loya Jirga composée de 3 500 membres pour donner au gouvernement afghan une légitimité à l'acte 2 des discussions avec les Talibans. Pour ceux qui sont déjà perdus, petit retour en arrière :
Une Loya Jirga afghane est une assemblée délibérative réunie à façon par le pouvoir afghan lorsqu'il doit prendre une décision qui nécessite un consensus large. Sous l'ancien régime, on aurait appelé ça « réunir les Etats généraux du royaume ».
Or l'exécutif afghan a bien besoin d'un consensus large pour discuter cessez-le-feu, puis paix, puis partage du pouvoir avec les Talibans. Et si j'ai employé le terme « acte 2 », c'est que l'acte 1 c'est déroulé exclusivement au Qatar avec les Etats-Unis.
Autrement dit, d'abord des discussions entre Américains et Talibans, ne serait-ce que pour s'accorder sur un retrait définitif des troupes américaines, et ensuite discussions Talibans – gouvernement afghan pour parler avenir, forme et institutions de l'Etat.
En clair, les Talibans ont la main. Autrement après 18 ans de guerre – la plus longue de l'Histoire des Etats-Unis – et plus de mille milliards de dollars dépensés, les Etats-Unis en sont réduits à discuter avec ceux qu'ils définissent eux-mêmes comme des « terroristes ».
Afghanistan, le tombeau des empires
Comment en est-on arrivé là ? D'abord, il y a une raison toute bête : les Américains ont négocié en expliquant qu'ils voulaient partir au plus vite du bourbier afghan. A partir de ce moment-là, il n'y a plus rien à obtenir de la partie adverse, sinon des concessions parfaitement symboliques.
Les Talibans ont donc promis « de ne plus accueillir de groupes ou d'individus terroristes ». Une promesse de Gascon, ou d'Afghan, si vous voulez, qu'ils avait déjà faite, et jamais tenue, en 2010 lors de précédentes discussions avec Washington.
Ensuite, il y a la réalité sur le terrain. Donald Trump a d'abord expliqué, en 2017, qu'il voulait sortir d'Afghanistan au plus vite, puis il a remis au pot, en 2018, en rajoutant quelques troupes et quelques commandos de choc pour aboutir à un échec cuisant :
Aujourd'hui, le gouvernement afghan ne contrôle pas plus de la moitié du pays. Depuis 2015, les forces de sécurité afghanes ont perdu 45 000 hommes et tous les ans, ce sont quelques 3 000 civils qui perdent la vie dans des attentats ou des opérations militaires.
Et puis, on ne fait pas la paix avec ses amis mais bien avec ses ennemis. En intervenant en 2001, les Américains pensaient détruire les Talibans. Il leur aura fallu près de vingt ans pour admettre leur défaite sur ce point.
Enfin ajoutons une note presque mythologique : depuis Alexandre le Grand, l'Afghanistan a toujours été le tombeau des empires : Anglais, Soviétiques et aujourd'hui Américains s'y sont tous frottés et en sont tous repartis, humiliés, affaiblis, défaits.
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