

En Amérique latine, la modernité sociale commence toujours en Argentine. Malgré le "non" du Sénat argentin à l'avortement libre, le pays s'apprête, une fois de plus, à montrer l'exemple et le sens de l'Histoire
Il serait injuste de rester sur le vote du Sénat argentin qui, d'ailleurs, n'est qu'un demi-échec. En Argentine, comme ailleurs, le Sénat est notoirement plus conservateur et surtout, la chambre haute du parlement argentin n'aura pas le dernier mot.
C'est à la Chambre des députés qu'il reviendra en 2019 de confirmer son vote historique de juin dernier : par 129 voix contre 125, les députés avaient approuvé une loi légalisant l'avortement jusqu'à 14 semaines de grossesse.
Une révolution pour ce continent où seuls deux pays – Cuba et l'Uruguay – et le district fédéral de Mexico autorisent l'IVG sans restriction avant 12 ou 14 semaines de grossesse. C'est simple en Amérique latine, 90% des femmes ne peuvent avorter librement.
Des millions d'avortements clandestins
Bien sûr qu'elles avortent ! On estime à 6 millions et demi le nombre d'avortements annuels qui se pratiquent illégalement, clandestinement en Amérique latine. Et 760 000 sont soignées suite à des complications plus ou moins graves.
Mais au delà des chiffres – terrifiants par ailleurs – je voulais revenir sur ce qui se joue depuis quelques mois en Argentine et dans toute l'Amérique latine : ni plus ni moins qu'une sorte de passation de pouvoir entre générations.
Les millions d'Argentines qui pendant des semaines se sont mobilisées et ont manifesté en faveur de l'avortement sont avant tout des jeunes femmes. Elles ont adopté le vert, la couleur de l'espoir, et ont bien l'intention de continuer le combat.
Les Argentines montrent la voie de la modernité
Effectivement, ce « mouvement vert » s'est construit grâce à un autre mouvement, apparu en 2015 celui-là, appelé « ni una menos », « pas une de moins » et qui avait su mobiliser des centaines de milliers d'Argentine contre les violences faites aux femmes.
Or, la modernité sociale en Amérique latine vient toujours d'Argentine. C'est un peu la nation exemplaire ou la « mère de toutes les batailles ». Et celle-là promet d'être épique, ne serait-ce que parce l'Argentine est aussi le pays du pape François.
L'Eglise catholique, qui a déjà largement perdu l'Europe, n'a absolument pas l'intention de perdre l'Amérique latine. Partout, du Chili au Brésil, du Nicaragua – où elle a obtenu l'interdiction de l'avortement – au Mexique, elle mobilise, dépense, influence, résiste.
L'Eglise catholique résiste, encore et toujours
Disons qu'elle parvient à retarder les échéances. Elle y est aidée par des nouveaux venus sur le continent, plus conservateurs qu'elle : les Evangéliques protestants qui, partout, lui font concurrence. Au Brésil, ils représentent déjà 20% de la population.
Mais en Amérique latine, comme en Europe hier, c'est un combat d'arrière garde que les Eglises catholique ou protestantes finiront par perdre : déjà entre 2000 et 2017, 4 pays ont déjà élargi les raisons légales permettant d'avorter. Et l'Argentine, comme toujours, finira tôt ou tard par montrer l'exemple au reste du continent.
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