

Une opération de police à Mitrovica, dans le nord du Kosovo, a tourné à l’émeute et a provoqué la mise en état d’alerte de l’armée de la Serbie voisine ; un signe des tensions persistantes et d’un conflit non réglé.
Les guerres mal éteintes menacent toujours de se rallumer un jour. C’est le cas entre la Serbie et le Kosovo, qui connaissent depuis deux jours une brusque montée de tension, y compris la mise en état d’alerte de l’armée de Belgrade.
Le Kosovo, c’était la guerre de trop dans l’implosion de l’ex-Yougoslavie. Dans les années 90, les six Républiques fédérales qui composaient la Yougoslavie avaient pris leur indépendance, après une série de conflits terribles comme l’Europe n’en avait pas connu depuis des décennies.
La situation du Kosovo était d’une autre nature, car il s’agissait d’une partie intégrante de la Serbie, peuplée majoritairement d’Albanais musulmans. Face à la menace d’épuration ethnique, l’armée de l’Otan était intervenue en 1999 et avait bombardé Belgrade. Le Kosovo fut détaché de la Serbie, d’abord géré par la Communauté internationale, avant de proclamer son indépendance en 2008, sans règlement définitif avec la Serbie.
Depuis, les relations sont difficiles ; Belgrade, tout comme son allié russe d’ailleurs, ne reconnait toujours pas Pristina, la capitale du Kosovo, et les minorités ethniques continuent d’être au cœur du problème.
C’est une opération de police, mardi à Mitrovica, la ville du Kosovo en majorité serbe, qui a déclenché des événements en cascade. Officiellement, selon Pristina, c’est une opération anti-criminalité, et les arrestations ont touché aussi bien des Serbes que des Albanais.
Mais les Serbes du Kosovo l’ont pris comme une « provocation ». Des barricades de pneus enflammés ont été érigées à Mitrovica, la ville qui, à chaque fois, est au cœur des tensions, et il y a même eu des échanges de tirs.
Mais c’est surtout la réaction de Belgrade qui inquiète : le Président serbe Aleksandar Vuvic, a mis l’armée en état d’alerte et a dépêché une colonne blindée en direction du Kosovo. Il promet de « protéger notre peuple en cas de menace sérieuse », considérant donc la minorité serbe du Kosovo comme toujours placée sous la protection de Belgrade.
La crise n’ira sans doute pas plus loin cette fois, mais elle est révélatrice de ces problèmes non résolus.
L’an dernier, les deux pays négociaient un accord controversé d’échange de territoires et de population. Controversé car d’un côté on achevait la séparation des peuples, un nettoyage ethnique négocié et rendu indolore en changeant les frontières ; de l’autre côté, ça permettrait de limiter les frictions.
Mais ces négociations ont capoté, et les deux capitales ont repris leurs récriminations, travaillées par un nationalisme ethnique toujours vivace. Le Kosovo a même imposé des droits de douane de 100% sur les produits serbes, ce qui agace Belgrade. Seule la perspective européenne, même lointaine, permet de calmer le jeu.
Ceux qui étaient les plus réticents à la séparation ethnique organisée s’y rallient par réalisme, estimant que c’est le seul moyen de baisser les tensions. Car il existe toujours, dans cette région des Balkans, de nombreuses mèches mal éteintes, qui ne demandent qu’à s’embraser, d’une manière ou d’une autre.
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