Décapitation à Palmyre

France Inter
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Aujourd'hui, direction la Syrie où l'ancien directeur des antiquités de la ville antique de Palmyre a été décapité publiquement...

Il s'appelait Khalid Al-Assad, il était octogénaire et il était « M. Palmyre » pour au moins trois générations d'historiens et d'archéologues. Il avait été nommé en 1963 à la tête du sité archéologique de Palmyre, qui était aussi sa ville natale.

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Il était tellement passionné par son travail de préservation d'un des sites les plus précieux et les plus importants du monde gréco-romain, qu'il avait nommé sa fille Zénobie, du nom de la plus célèbre des monarques de Palmyre.

Il avait par ailleurs refusé de quitter sa ville au moment de sa prise par l'État islamique en Irak et au Levant, estimant qu'il était trop vieux pour intéresser les terroristes. Grave erreur : il a été arrêté en juillet et, semble-t-il, torturé avant d'être exécuté.

Pourquoi s'en prendre à un vieil homme à la retraite ? Tout simplement parce qu'il avait aidé, avant la prise de Palmyre, à mettre à l'abri des centaines d'objets antiques (statues, monnaies, poteries) et qu'il refusait de dire où ils étaient cachés.

Des objets que l'État islamique comptaient revendre ?

Évidemment ! Selon certains,la contrebande d'antiquités est la deuxième source de revenus de l'État islamique en Irak et au Levant, après le pétrole. Ce qui est certain, c'est que depuis environ un an, le pillage de la Syrie et de l'Irak a changé d'échelle.

Il est devenu industriel. Au début, en installant leur administration en Syrie et en Irak, les terroristes de l'EIIL ont délivré des licences à tous ceux qui voulaient faire des fouilles illégales. Puis l'EIIL levaient une taxe de 20% sur les objets découverts.

Cette méthode a fait des miracles, si je puis dire : des centaines d'objets ont ainsi été passés par le Liban ou la Turquie. Ces deux pays sont devenus de véritables plaques tournantes du trafic d'antiquités. Destination finale : Londres, Bâle ou Genève.

Là, on les retrouve sur les étals des antiquaires. Le quotidien britannique The Guardian avait mené l'enquête en juillet, pour savoir si ces objets étaient faciles à trouver. En quelques heures, accompagnés d'un spécialiste, le journaliste en a trouvé une dizaine !

Des morceaux de verre teinté antique, des tablettes couvertes d'écritures cunéiformes venues d'Irak, des statuettes... Le tout exposé sans la moindre gène par les antiquaires londoniens et vendus pour quelques centaines d'euros.

Cela montre surtout l'étendue du trafic, non ?

Oui, parce que si, en quelques heures de balades, on trouve sans peine de tels objets, des dizaines voire des centaines d'autres, plus précieux, doivent dormir dans des entrepôts pour être achetés plus discrètement.

En fait, il faut bien comprendre que pour l'État islamique, le trafic d'antiquités a beaucoup d'avantages : il est beaucoup moins encombrant et plus facile logistiquement de faire passer une statuette grecque ou romaine qu'un camion de pétrole brut.

De plus, les norias de camions citernes sont fréquemment les cibles des frappes occidentales, pas les sites archéologiques antiques, bien évidemment. Enfin, en revendant des statues, les cadres de l'EIIL font même œuvre pieuse !

Les statuettes, les mosaïques grecques ou byzantines « représentent » quelque chose – des animaux, des dieux, des hommes - et comme c'est strictement interdit dans leur vision puritaine de l'Islam. D'ailleurs depuis plusieurs mois, ils détruisent moins, ils revendent.

Désormais, l'État islamique organise ses propres fouilles avec des archéologues. Et c'est parce qu'il voulait récupérer, pour les vendre, les objets les plus précieux de Palmyre qu'il a torturé et décapité Khalid Al-Assad.

Le vieil homme est mort avec son secret.

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