Emmanuel Macron dénonce la "trahison" de l’élite libanaise, mais lui donne une nouvelle chance

Les journalistes libanais ont pu participer à la conférence de presse d’Emmanuel Macron à partir d’une liaison installée à la Résidence des Pins, à Beyrouth, la résidence officielle des ambassadeurs de France.
Les journalistes libanais ont pu participer à la conférence de presse d’Emmanuel Macron à partir d’une liaison installée à la Résidence des Pins, à Beyrouth, la résidence officielle des ambassadeurs de France. ©AFP - ANWAR AMRO / AFP
Les journalistes libanais ont pu participer à la conférence de presse d’Emmanuel Macron à partir d’une liaison installée à la Résidence des Pins, à Beyrouth, la résidence officielle des ambassadeurs de France. ©AFP - ANWAR AMRO / AFP
Les journalistes libanais ont pu participer à la conférence de presse d’Emmanuel Macron à partir d’une liaison installée à la Résidence des Pins, à Beyrouth, la résidence officielle des ambassadeurs de France. ©AFP - ANWAR AMRO / AFP
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Réagissant à l’échec de la tentative de former un gouvernement d'experts, le président français a violemment mis en cause les politiciens libanais et surtout le Hezbollah, sans pour autant mettre un terme à son initiative.

On pourrait parler de théâtralisation de la crise, si le sort d’un pays entier n’était en jeu. Emmanuel Macron a soigneusement mis en scène sa colère, hier soir à l’Élysée, après l’échec de son plan d’action pour sortir le Liban de la crise. Questions de journalistes à Beyrouth et de citoyens libanais sur Facebook, le visage fermé pour parler de la "trahison collective" et de la "honte" de la classe politique libanaise.

Une scène dramatique pour maintenir en survie artificielle son initiative que de nombreux Libanais considèrent, avec regret, comme morte et enterrée, et que certains jugeaient déjà condamnée dès le début.

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Difficile, en observant le Président, de ne pas se poser la question de la légitimité de sa démarche, de sa colère, de ses accusations, et même de ses jugements sur ce que doit ou ne doit pas faire un pays souverain. Difficile surtout d’imaginer le chef d’État français se comporter de la sorte avec un autre pays sans se faire renvoyer dans les cordes.

Mais ce malaise est vite dissipé par le désespoir de nombreux Libanais que le soutien de la France réconforte et encourage, et l’appui financier que le Liban espère de la communauté internationale, et qui ne peut être débloqué sans conditions. "Pas de Macron, pas d'argent", résumait un Libanais sur Twitter.

Mais ça ne marche pas, et, pour désamorcer toute velléité polémique en France, Emmanuel Macron a tenu à préciser : "Ce n’est pas mon échec, c’est celui de la classe politique libanaise". Car ce qui s’est passé n’est pas banal : les dirigeants des partis confessionnels libanais n’ont pas été capables de tenir les engagements qu’ils ont pris en personne devant Emmanuel Macron lors de ses deux visites à Beyrouth depuis l’explosion du 4 août.

Mais est-ce surprenant ? Nous l’avons dit ici même, il y a une contradiction majeure dans la démarche du Président : il demande aux partis confessionnels de signer leur arrêt de mort en permettant la formation d’un gouvernement d’experts et ce qui va avec : l’audit des finances publiques, la fin de l’économie de rente, et des fiefs claniques sur des pans entiers de l’économie.

Si certains partis n’ont pas les moyens de s’y opposer, le parti chiite pro iranien Hezbollah n’y est pas prêt. C’est lui qui a tenu à conserver jusqu’au bout le droit de nommer le ministre des Finances, c’est-à-dire de perpétuer le système.

C’était le cœur du pari du Président : parler au Hezbollah politique, élu au Parlement libanais, comme s’il n’y avait pas, en même temps, le Hezbollah armé par l’Iran, accusé de terrorisme. Ca n’a pas suffi. La France manque singulièrement d’arguments pour amener le Hezbollah à coopérer, surtout dans un contexte régional particulièrement tendu.

Pourquoi, face à un tel constat, donner un nouveau délai à la classe politique ? Certains y verront l’orgeuil d’un Président qui refuse l’échec ; on peut aussi donner du crédit à son argument que l’alternative serait la politique du pire, avec, à la clé, un risque de nouvelle guerre civile. De nombreux échos de Beyrouth vont dans ce sens.

Alors il y a peut-être du Don Quichotte dans la démarche volontariste d’Emmanuel Macron ; mais mieux vaut être accusé d’ingérence que d’indifférence, quand c’est la survie d’un pays ami qui est à la clé.

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