C'est aujourd'hui que le gouvernement espagnol exhumera les restes du général Franco. Une occasion de communion nationale ratée : les Espagnols ont en tête la crise, les élections à venir et la Catalogne.
C'est aujourd'hui que l'on exhume les restes du général Franco en Espagne. Il aura donc fallu 43 ans, 11 mois et deux jours pour que la démocratie espagnole en finisse avec une vraie anomalie : le général Franco inhumé au cœur d'un monument grandiose dédié aux morts de la Guerre civile. Le bourreau parmi ses victimes.
Parce que c'est cela le Valle de los Caidos, ce monument marqué d'une croix immense où repose encore pour quelques heures celui qui, en 1936 s'est rebellé contre la seconde république espagnole pour ensuite l'abolir en 1939.
Et s'il a fallu si longtemps pour réparer cette anachronisme historique dans une Europe où aucun autre dictateur fasciste n'a eu ces honneurs mortuaires, c'est parce la démocratie espagnole est née en 1978 d'un compromis avec le régime franquiste.
Autrement dit, Franco n'a pas été renversé, comme Pétain ou Mussolini, il est mort dans son lit, a réussi à faire anoblir sa famille, aujourd'hui encore titulaire d'un duché héréditaire. Il existe même une « fondation Franco », déclarée d'intérêt public.
Les Espagnols divisés sur la question
C'est bien le problème : elle est loin de faire l'unanimité. Consultés par sondage en juillet dernier, ils sont 41% à y être favorable et 39% à s'y opposer et seul 51% estime que c'était le bon moment de le faire. Autrement dit, c'est trop peu, trop tard.
Trop peu, parce que l'Etat espagnol a surtout fait la preuve de sa faiblesse : il a fallu une année entière de tractations, de recours juridiques pour enfin parvenir à extraire le cadavre exquis du dictateur. Contre la famille et même contre l'Eglise catholique.
Trop tard, parce que les principaux témoins ou victimes du Franquisme sont morts alors que la famille Franco, elle, a fait preuve d'une belle vitalité : elle a réussi à humilier l'Etat espagnol en suggérant de ré-inhumer Franco dans la cathédrale de Madrid !
Enfin, cette exhumation ne peut même pas être portée au crédit de l'actuel Premier ministre socialiste Pedro Sánchez : la concomitance de cet événement historique et d'une campagne électorale pour les législatives laisse un arrière-goût de récupération.
Des sondages difficiles pour l'actuel Premier ministre
Même pas ! Pedro Sánchez est mesuré à 27%, en dessous des 28,5% obtenu en avril dernier lors du précédent scrutin. Avec en plus la déconfiture – dans les sondages – des insoumis de Podemos et la démobilisation de son camp, les perspectives sont sombres.
Il y a aussi une autre raison qui explique le désamour des Espagnols pour ce Premier ministre de gauche, pourtant si glamour et qui semblait si neuf dans un paysage politique largement recomposé : son incapacité à former une coalition avec Podemos.
Surtout, son incapacité à trouver une solution viable au problème catalan. Il a laissé la justice espagnole lui dicter son agenda politique et les lourdes condamnations – de 9 à 13 ans de prison - pour des élus, ont hystérisé le débat, à Barcelone comme à Madrid.
Autrement dit, même un geste aussi symbolique que l'exhumation du dictateur, qui aurait dû être un moment de passion nationale, passera pour une péripétie de l'histoire, un triste après-midi d'automne à l'abri des regards, en banlieue de Madrid.
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