

Les protestations contre la réforme judiciaire, et les tensions avec les Palestiniens, commencent à avoir un impact sur les relations d’Israël avec ses alliés traditionnels, américain et européens. Le chef de la diplomatie européenne Josep Borrel n’est pas le bienvenu après ses critiques.
Quel pays au monde vient de refuser de recevoir Josep Borrell, le chef de la diplomatie européenne ? Quel pays a son ministre des Finances qui se rend aux États-Unis et en France sans le moindre contact avec les gouvernements de ces deux pays ?
Étrangement, ce pays est Israël, qui n’est pas habitué à être un quasi-paria dans le monde occidental. Certes, Benyamin Netanyahou, le premier ministre, a été reçu à l’Élysée par Emmanuel Macron, à Rome par la Présidente du Conseil italien Giorgia Meloni, et il se trouve actuellement à Berlin pour rencontrer le Chancelier Olaf Scholz. Mais si le chef du gouvernement, qui a derrière lui des décennies de relations personnelles avec les dirigeants européens et américains, est reçu, ce n’est pas toujours pour s’entendre dire des choses agréables sur les choix de son gouvernement.
Au centre des problèmes, la crise politique déclenchée par la coalition que Netanyahou a bâtie avec l’extrême droite en Israël : celle-ci mène une réforme judiciaire accusée par une large partie de la société israélienne d’être antidémocratique. Les protestations qui durent depuis des semaines ont un réel retentissement international.
On peut toujours se dire que ce n’est pas grave que Josep Borrell trouve porte close en Israël pour avoir critiqué, dans l’enceinte du Parlement européen, la politique de colonisation de la Cisjordanie encouragée par le gouvernement israélien ; ou que Bezalel Smotrich, le ministre des Finances, leader d’un parti d’extrême-droite, résident de la colonie de Kedoumim, en Cisjordanie, soit boycotté par les autorités lors de ses déplacements à l’étranger…
Mais c’est quand même le signe d’un réel malaise quand il n’a même pas fallu trois mois pour voir une telle détérioration. Il faut dire que le nouveau gouvernement n’a pas perdu de temps pour mettre en œuvre son programme de réforme judiciaire, ou de la tentative de rétablissement de la peine de mort pour terrorisme.
Les outrances de l’extrême droite, comme celles du ministre Smotrich, rendent difficile de fermer les yeux, même dans les pays qui ont toujours hésité à critiquer Israël, pour des raisons historiques ou pour ne pas alimenter l’antisémitisme.
Cette détérioration peut-elle s’aggraver ? La réponse repose sur deux facteurs : le premier est la crise politique israélienne, va-t-elle s’aggraver ou au contraire s’apaiser ? Hier, une proposition de compromis proposée par le Président de l’État hébreu, Isaac Herzog, a été rejetée par les partis de la coalition, augurant plutôt d’une crise plus aigüe encore. Le Président parle ouvertement du risque de "guerre civile".
Le second facteur est la guerre en Ukraine, qui n’a rien à voir, sinon qu’elle a fait ressurgir un reproche dans une grande partie du monde, d’un « deux poids deux mesures » occidental selon les crises. En l’occurrence, ferme sur le droit face à la Russie, et tolérant depuis des décennies le non-respect des résolutions de l’ONU dans le cas des Palestiniens.
Européens et Américains n’ont aucune envie de s’opposer à Israël, leurs critiques ont toujours été enrobées de proclamations d’amitié et de fidélité. Mais si ce gouvernement sort clairement du champ démocratique, il prendra le risque de casser ce lien émotionnel qui trouve ses racines dans la Shoah et dans les mythes fondateurs d’Israël.
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