

Laurent Gbagbo a rencontré le président ivoirien Alassane Ouattara. Les deux ennemis jurés ont mis en scène une réconciliation indispensable mais si difficile à croire.
La Côte d'ivoire a assisté hier à la réconciliation de deux anciens présidents. L'actuel, Alassane Ouattara, 79 ans et son prédécesseur Laurent Gbagbo, 76 ans. Le premier appelant le second son « petit frère » et le second faisant savoir qu'il venait « dans un esprit d'ouverture, de dialogue et de réconciliation ».
C'était beau comme une citation de Lao Tzu : « même le plus long des voyages commence par un premier pas ». Celui-là aura attendu une décennie : les deux hommes ne se sont plus vu depuis novembre 2010 et un débat télévisé d'avant présidentielle.
L'après présidentielle, c'est une guerre civile épouvantable et qui a conduit Laurent Gbagbo devant la Cour pénale internationale de La Haye, accusé de crimes contre l'Humanité. Il a été acquitté en mars et il est de retour au pays depuis juin.
Un retour au pays organisé par Alassane Ouattara
Pour le coup, l'expression « faire contre mauvaise fortune, bon coeur » convient à merveille. Alassane Ouattara rêvait probablement d'un long séjour carcéral en Europe pour son prédécesseur. La Cour de La Haye en a décidé autrement :
Dans le cas qui nous occupe, ça a voulu dire fournir des passeports à Laurent Gbagbo, lui indiquer le jour de son retour au pays, éloigner ses partisans trop enthousiastes et enfin, organiser une rencontre de réconciliation : c'est ce qu'il s'est passé hier.
Et comme on n'est jamais trop prudent, Alassane Ouattara conserve deux moyens de tenir à distance son adversaire : une peine de 20 ans de prison prononcée par contumace contre Gbagbo et l'épée de Damoclès d'un énième amendement à la constitution...
Un amendement qui fixerait un âge maximum pour exercer la magistrature suprême : 75 ans. Ça permet d'éliminer de la course Laurent Gbabgo, qui donc à 76 ans, mais aussi le 3e homme de ce triumvirat qui épuise la politique ivoirienne depuis 30 ans : Henri Conan Bedié, 87 ans !
Leur haine recuite, leurs alliances de circonstances, leurs prises du pouvoir plus ou moins légitimées par des putschs, des élections douteuses, des modifications à façon de la constitution, a hystérisé leurs partisans et le débat politique des décennies durant.
Le pire étant l'invention du concept d' « ivoirité » par Henri Conan Débié dans les années 90 et repris par Gbagbo : une sorte de préférence nationale qui avait pour unique vertu d'écarter un Alassane Ouatara réputé plus Burkinabé qu'Ivoirien : 3000 morts à la clé !
Un triumvirat infernal et qui s'épient dans l'espoir que l'un d'entre eux trébuche
Même Alassane Ouattara, qui avait été la victime des deux autres, a fini par céder à la politicaillerie la plus déshonorante en se représentant pour un 3e mandat en 2020, contre toutes ses promesses et la constitution du pays, une nouvelle fois modifiée.
Sont-ils irréconciliables ? Je vous répondrais que ce n'est même plus la question : ils s'épient, se jaugent, rêvent de prendre leur revanche et ce, quand les trois-quarts des ivoiriens n'étaient même pas nés quand leur rivalité était déjà assez mûre pour nuire.
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