Le "massacre de trop" de la guerre d’Ukraine, à un moment décisif

Des centaines de cadavres de civils ont été découverts dans les rues de Boutcha, près de Kiev, après l’évacuation des forces russes.
Des centaines de cadavres de civils ont été découverts dans les rues de Boutcha, près de Kiev, après l’évacuation des forces russes. ©AFP - Sergei SUPINSKY / AFP
Des centaines de cadavres de civils ont été découverts dans les rues de Boutcha, près de Kiev, après l’évacuation des forces russes. ©AFP - Sergei SUPINSKY / AFP
Des centaines de cadavres de civils ont été découverts dans les rues de Boutcha, près de Kiev, après l’évacuation des forces russes. ©AFP - Sergei SUPINSKY / AFP
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Le massacre de Boutcha, qualifié de « génocide » par le Président Zelensky, et de « crime de guerre » par les Occidentaux, vient peser sur la recherche d’une sortie de guerre alors que les négociations reprennent à Istanbul.

Il y a parfois dans le déroulement d’une guerre, le massacre de trop, celui qui change le cours de l’histoire. Ce fut le cas avec le bombardement meurtrier du marché de Sarajevo, en 1995, poussant l’OTAN à intervenir contre les Serbes de Bosnie. 

Les images insupportables des suppliciés de Boutcha, près de Kiev, qui tournent en boucle, font franchir un seuil dans l’horreur de cette guerre qui n’en manque pas. Le Président Zelensky parle de « génocide », les Occidentaux de « crimes de guerre »… La Russie fait comme à son habitude : elle répond aux accusations par sa « vérité alternative », et va même jusqu’à convoquer le Conseil de sécurité pour dénoncer les « provocations des radicaux ukrainiens ». On croit rêver !

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La réaction unanime en Occident face à ces massacres changera-t-elle la donne comme elle a pu le faire dans d’autres conflits ? Pas si sûr, car si le degré d’horreur a grimpé, l’équation reste la même : personne en Occident n’est prêt à risquer une confrontation avec la Russie, puissance nucléaire. Les images de Boutcha font néanmoins peser sur les pays occidentaux une pression forte pour appuyer l’Ukraine de manière plus efficace à un moment décisif.

On assiste à un tournant de la guerre avec la reprise de la région de Kiev par l’armée ukrainienne, et le départ des troupes russes ; Malgré la tragédie de Boutcha, c’est un succès de la résistance ukrainienne qui a empêché le siège et peut-être la prise de la capitale.

Le retrait russe de Kiev ne signifie pas la fin de la guerre

Mais ce n’est pas la fin de la guerre car les Russes se redéploient à l’Est, afin de constituer un bloc de continuité territoriale entre le Donbass, la côte de la mer d’Azov dont le port assiégé de Mariupol, jusqu’à la Crimée. Les combats ne vont pas diminuer, au contraire.

Et dans ce contexte dramatique, on reparle des négociations russo-ukrainiennes dont un nouveau round doit se tenir aujourd’hui. Des rumeurs de progrès sont distillées, parfois à Kiev, parfois à Moscou, et même la possibilité d’un dialogue direct Zelensky-Poutine, dont la seule tenue serait un développement majeur.

Mais peut-on négocier avec ce massacre ? Côté ukrainien, il y a une double injonction, parfois contradictoire. D’un côté mettre fin au plus vite aux souffrances de la guerre, y compris au prix de concessions comme la neutralité et le gel des conflits territoriaux ; mais il y a aussi le désir profond, fondé sur l’unité et la détermination exceptionnels apparus dans cette guerre, de ne rien céder à l’envahisseur. Les morts de Boutcha renforcent assurément le désir de résistance, et, sans doute, de vengeance.

La question se posera vraiment lorsqu’un compromis sera sur la table, et ce moment arrivera comme dans toutes les guerres. Et comme tous les compromis, il impliquera des concessions, des renoncements. Le Président Zelensky pourra-t-il les accepter et les faire accepter par son peuple après toutes les horreurs de la guerre ?

Et dernière interrogation, l’unité des Occidentaux restera-t-elle entière face à un compromis que tout le monde n’évaluera pas de la même manière ? Certains seront plus prompts à l’accepter que d’autres. 

Cette heure de vérité de la guerre n’est pas encore arrivée ; pour le moment, les morts de Boutcha nous imposent plus de soutien à l’Ukraine, dans tous les domaines y compris l’énergie ; c’est bien, de ce point de vue, le "massacre de trop".