

Le ballon chinois est devenu le symbole d’une menace qui fait l’unanimité contre elle aux États-Unis. Le report de la visite en Chine du Secrétaire d’État Anthony Blinken est une mauvaise nouvelle pour les rapports sino-américains fortement dégradés.
Le plus inquiétant dans cette affaire, ce n’est évidemment pas le ballon, mais le symbole qu’il incarne. Ce ballon chinois repéré au-dessus du territoire des États-Unis, et abattu samedi par un jet américain sur l’Atlantique, n’était pas en soi une menace. Il ne pèse pas lourd par rapport aux arsenaux que détiennent les deux pays.
Mais ce ballon presque désuet en est venu à incarner aux yeux des Américains la « menace chinoise » dont ils entendent parler jour et nuit. Cette menace était jusqu’ici abstraite ou lointaine, autour de Taiwan ou dans les semi-conducteurs : elle a maintenant un visage, sous la forme de ce ballon lunaire apparu dans le ciel du Montana et de ses silos nucléaires.
Le principal effet de cette apparition symbolique, c’est d’avoir fait monter d’un cran la fièvre antichinoise dans la classe politique américaine, toutes tendances confondues ; un unanimisme qui a pesé lourd dans la décision de la Maison Blanche de repousser le voyage à Pékin d’Anthony Blinken, le chef de la diplomatie américaine - au risque de laisser se dégrader une relation déjà tendue.
Le déplacement d’Anthony Blinken, qui aurait dû se trouver aujourd’hui à Pékin, aurait été le premier d’un Secrétaire d’État américain en Chine depuis 2018 ! Il avait été décidé lors de la rencontre de Joe Biden et du numéro un chinois Xi Jinping en marge du G20 de Bali, en novembre.
Le but était moins de rapprocher les points de vue que d’apprendre à gérer ses désaccords et la rivalité entre les deux géants du XXI° siècle, alors que tant de foyers de tension existent entre eux. C’est dire que ce déplacement était attendu à l’heure de la guerre bien réelle en Ukraine, et de celles qui menacent à Taiwan ou en mer de Chine méridionale.
Le risque, aujourd’hui, avec ce report, est de prolonger la nervosité dans les rapports sino-américains, alimentée chaque jour par son lot d’accusations, de soupçons, de menaces.
On peut se demander pourquoi la Chine a pris le risque d’envoyer ce ballon au-dessus des États-Unis au moment où devait reprendre un dialogue si important pour la relation entre les deux pays ? Si c’était un ballon météo égaré, comme le dit Pékin, il faut croire que la confiance est tellement faible que Washington n’en a pas cru un mot. Si c’est bien un engin espion, le pouvoir chinois aura commis une lourde erreur : l’analyse des débris que la marine américaine est en train de récupérer permettra vite de trancher.
La raison et l’intérêt général devraient pousser à la reprise de ce dialogue dans quelques temps : mais le climat s’est durci autour de la Chine à Washington, et rend plus difficile encore la recherche de compromis. A Pékin aussi, la réaction chinoise joue sur la fibre nationaliste, même s’il n’est pas sûr que l’opinion suive si facilement.
Cet épisode montre en tous cas tous les dangers de ce climat délétère. Un ballon au-dessus du Montana peut avoir des répercussions à des milliers de kilomètres de là, autour de Taiwan par exemple : attention aux engrenages incontrôlés.
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