Non l’Europe centrale n’est pas condamnée à l’« illibéralisme » : la République tchèque et la Pologne vivent des événements politiques majeurs qui détermineront une partie de l’avenir de l’Europe.
Nous avons souvent tendance, en Europe de l’Ouest, à considérer l’Europe centrale comme un tout, une région condamnée à l’« illibéralisme », c’est-à-dire tournant le dos aux valeurs sur lesquelles est censée se construire l’Union. C’est un raccourci réducteur, car les pays qui la composent sont traversés par des courants contraires, et sont à l’heure de choix décisifs.
Deux de ces pays, la République tchèque et la Pologne, sont dans ce cas, et une partie de l’avenir de l’UE est liée à l’issue des évolutions qui s’y produisent. En République tchèque, c’est la défaite électorale surprise du premier ministre, le populiste Andrej Babis, aussitôt suivie de l’hospitalisation dans un état critique hier du Président Milos Zeman, pas vraiment un libéral non plus : l’incertitude est totale.
En Pologne, c’est une toute autre situation : la décision de la Cour constitutionnelle de considérer que les lois nationales sont supérieures aux lois européennes a ouvert une crise majeure avec Bruxelles car elle remet en cause un principe de base qui garantit l’égalité enles États-membres. SSi cette décision est maintenue, elle risque de provoquer un « Polexit » de fait, c’est-à-dire une sortie de la Pologne de l’Union européenne, l’enjeu est donc considérable.
Dirigés par des partis eurosceptiques, ces deux pays appartiennent, avec la Hongrie et la Slovaquie, au groupe dit « de Visegrad », qui freine l’intégration européenne. Mais ces pays comptent aussi des courants pro-européens conséquents
En République tchèque, ce sont deux coalitions de centre droit et libéraux pro-européennes qui revendiquent la victoire et le droit de former ensemble le prochain gouvernement. Le premier ministre sortant devait toutefois rencontrer aujourd’hui le Président, désormais hospitalisé, et beaucoup redoutaient une manœuvre pour rester au pouvoir.
En Pologne, les réactions à la décision de la Cour, largement influencée par le PiS, le parti populiste au pouvoir, provoque de vives réactions. Hier soir, des milliers de manifestants se ont réunis, drapeau européen en tête, tandis que 26 anciens juges de la Cour constitutionnelle ont jugé que la décision du Tribunal outrepassait ses droits. L’indépendance de la justice ests l’un des grand sujets de contentieux entre Varsovie et Bruxelles.
Dans un récent sondage, 80% des Polonais se disaient favorables à la présence de leur pays au sein de l’Union européenne ; il y aurait donc un sacré paradoxe à ce que la Pologne quitte l’UE, on n’est pas dans le même contexte que le Brexit, voté par référendum.
Néanmoins, l’accumulation des sujets de conflit entre la Pologne et les règles de l’Union, sur la justice, sur l’indépendance des médias, sur les droits des homosexuels, le droit à l’avortement, créent un climat de rupture croissant. Le gouvernement polonais sait pourtant qu’il a beaucoup à perdre, la part qui revient à Varsovie dans le plan de relance européen est actuellement bloquée en raison de ces conflits.
Le bras de fer risque d’autant plus de s’aggraver que l’opposition libérale est désormais dirigée par l’ancien Président du Conseil européen et ancien Premier ministre polonais, Donald Tusk, qui espère bien reprendre la majorité aux prochaines législatives, en 2023. La question européenne sera l’un des grands sujets clivants de la campagne.
Ce événements pèseront lourd dans la physionomie de l’Europe de demain : l’« illibéralisme » n’est pas une fatalité.
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