L’Allemagne face à ses contradictions dans la crise ukrainienne

La ministre des Affaires étrangères allemande, l’écologiste Annalena Baerbock, affirme que « tout est sur la table » en cas d’invasion russe de l’Ukraine.
La ministre des Affaires étrangères allemande, l’écologiste Annalena Baerbock, affirme que « tout est sur la table » en cas d’invasion russe de l’Ukraine. ©AFP - Kay Nietfeld / POOL / AFP
La ministre des Affaires étrangères allemande, l’écologiste Annalena Baerbock, affirme que « tout est sur la table » en cas d’invasion russe de l’Ukraine. ©AFP - Kay Nietfeld / POOL / AFP
La ministre des Affaires étrangères allemande, l’écologiste Annalena Baerbock, affirme que « tout est sur la table » en cas d’invasion russe de l’Ukraine. ©AFP - Kay Nietfeld / POOL / AFP
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Le chef de la flotte allemande a démissionné après des déclarations sur Poutine et l’Ukraine qui contredisent la politique de son pays. Un signe des embarras de la diplomatie allemande face à la crise inédite autour de l’Ukraine.

L’Allemagne est la première victime collatérale de la crise ukrainienne, avant même qu’un seul coup de feu soit tiré. Les exigences russes appuyées par un déploiement de forces autour de l’Ukraine ont mis la nouvelle coalition au pouvoir à Berlin face à sa première crise internationale – et face à ses contradictions.

D’abord discrètes, ces tensions sont apparues au grand jour avec les propos étonnants du chef de la marine allemande, le vice-amiral Kay-Achim Schönbach. En visite en Inde, le haut gradé a qualifié d’« ineptie » l’idée que la Russie pourrait envahir l’Ukraine : Poutine, selon lui, ne cherche qu’à obtenir le « respect » des Occidentaux, et il le « mérite ». Il a ajouté que la Crimée annexée en 2014 par Vladimir Poutine ne reviendrait jamais à l’Ukraine, contredisant la politique de son pays.

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Ces déclarations ont déclenché une tempête, et le vice-amiral a démissionné samedi avant d’être limogé. Mais le mal est fait, il a mis au grand jour les contradictions embarrassantes de la position allemande.

L’Allemagne est évidemment dans une situation particulière vis-à-vis de la Russie et de l’Ukraine, à la fois pour des raisons historiques, économiques, stratégiques. Ça rend la définition d’une politique claire et cohérente compliquée face à une crise inédite.

Comme tous les Occidentaux, l’Allemagne s’interroge sur la réponse à faire à Poutine, qui exige d’eux qu’ils neutralisent ce qu’il considère comme sa « sphère d’influence ». Les réponses sont en ordre dispersé. Certains pays ont commencé à livrer des armes à l’Ukraine, le Royaume Uni en tête, mais aussi l’Estonie qui a demandé aux États-Unis et à l’Allemagne la permission de réexporter en Ukraine des armes achetées à ces deux pays. Washington a dit oui, Berlin non.

La Ministre des Affaires étrangères, l’écologiste Annalena Baerbock, a déclaré que, pour des raisons historiques, Berlin ne pouvait envisager facilement que des armes allemandes soient employées contre des Russes. Elle s’est attiré une réponse cinglante de son homologue ukrainien qui lui a répondu que l’argument historique valait aussi pour les millions de victimes ukrainienne du nazisme.

Et il y a l’affaire du gazoduc, le cœur du problème. L’Allemagne dispose d’un instrument de pression majeur sur le Kremlin, avec le gazoduc Nord-Stream 2 qui relie la Russie à l’Allemagne. Sa construction est achevée mais son entrée en service est suspendue.

Berlin n’a jamais voulu en faire une arme diplomatique. Pourtant, Nord-Stream 2 permettra à la Russie de contourner l’Ukraine pour ses exportations de gaz, et accroitra la dépendance de l’Allemagne et d’une partie de l’Europe vis-à-vis de Moscou.

La semaine dernière, la ministre sociale-démocrate de la Défense allemande a exclu de lier Nord Stream 2 à la crise ukrainienne, avant d’être démentie par le Chancelier Olaf Scholz, lui aussi social-démocrate, tandis qu’Annalena Baerbock disait que « tout est sur la table » en cas d’attaque russe.

Le problème est la crédibilité de la diplomatie de la première puissance européenne dans une crise sur le continent. Le gagnant est d’une part Poutine qui a déstabilisé ses adversaires, mais aussi l’Otan qui apparait aux Européens de l’Est comme le seul vrai garant de leur sécurité.