

Après d'âpres négociations, la mission d'experts de l'AIEA a été autorisée à se rendre dans la centrale nucléaire au coeur de la guerre. Mais quelle solution pour garantir sa sécurité à plus longue échéance ? On en revient à la question : que veut Poutine ?
Peut-on parler de bonne nouvelle au milieu d’une guerre aussi brutale que celle qui se déroule en Ukraine ? Oui s’il s’agit d’éviter une catastrophe nucléaire, car pour la première fois dans l’histoire, un site nucléaire civil se trouve pris au cœur d’un conflit de haute intensité.
La bonne nouvelle, c’est l’annonce hier du départ de la mission de l’Agence internationale de l’énergie atomique : les experts de l’AIEA, une branche des Nations Unies, sont en route pour la centrale de Zaporijjia, en Ukraine, occupée par les Russes depuis mars dernier, et menacée par les combats.
La seule venue des experts de l’AIEA ne signifie pas que le sort de la plus grande centrale nucléaire d’Europe soit réglé : le risque d’échec existe. Mais cette mission n’était pas acquise il y a encore quelques jours, et le déblocage montre qu’il reste encore un peu de place pour la diplomatie, même quand, parallèlement, les combats font rage comme autour de la ville de Kherson, dans le sud, que tente de reprendre l’armée ukrainienne.
Pour débloquer la situation, chaque camp a fait une concession. Vladimir Poutine a concédé, lors d’un entretien téléphonique avec Emmanuel Macron, que la mission de l’AIEA puisse venir via l’Ukraine, et non en passant par la Russie comme il le demandait. Pour l’Ukraine, c’était une affaire de souveraineté ; elle en faisait une question de principe.
L’Ukraine, elle, a finalement accepté l’exigence russe que les experts de deux pays, les États-Unis et le Royaume Uni, soient écartés de la mission. La France, l’Italie et la Lituanie, pays membres de l’Otan, en font toutefois partie, avec d’autres nationalités.
Signe de l’importance de cette mission, elle est conduite par le Directeur Général de l’AIEA lui-même, le diplomate argentin Rafael Grossi, ce qui lui donne un poids politique certain. Ca peut compter lorsqu’il s’agira de tirer les leçons de cette visite et de préparer l’« après », c’est-à-dire de sécuriser le site nucléaire à plus longue échéance.
Leur mission est d’inspecter les installations nucléaires et de faire un diagnostic sur leur sécurité. Il y a eu des inquiétudes après l’arrêt de la production électrique pendant quelques heures la semaine dernière, et des échanges d’artillerie ont menacé certaines installations. Les experts ont exigé de pouvoir s’entretenir avec le personnel ukrainien de la centrale sans témoins, car certains employés ont fait savoir qu’ils travaillaient dans des conditions inacceptables.
Mais que se passera-t-il après ? Vladimir Poutine a-t-il simplement fait un geste pour désamorcer les critiques, pour mieux reprendre le contrôle ensuite ? On le soupçonne en effet de vouloir détourner l’électricité de Zaporijjia au profit des zones russes, alors que la centrale fournit plus de 20% de l’électricité de l’Ukraine.
Ou acceptera-t-il la démilitarisation de la centrale, ce qu’il ne ferait sans doute pas sans concessions ? Une fois de plus on s’interroge sur les intentions de Poutine, qui fait cette fois chanter le monde avec la peur de l’apocalypse nucléaire…
Au moins, pendant que l’AIEA sera sur place, un cessez-le-feu de fait devrait être respecté sur le site nucléaire. Un répit pour les habitants de cette région qui redoutent une nouvelle catastrophe, trente-six ans après le traumatisme de Tchernobyl.
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