Au cœur du séisme, la double tragédie des déplacés syriens d’Idlib

Des habitants de Besnaya, dans la région d’Idlib, tentent de sauver à la main des personnes sous les décombres d’une maison effondrée.
Des habitants de Besnaya, dans la région d’Idlib, tentent de sauver à la main des personnes sous les décombres d’une maison effondrée. ©AFP - Omar HAJ KADOUR / AFP
Des habitants de Besnaya, dans la région d’Idlib, tentent de sauver à la main des personnes sous les décombres d’une maison effondrée. ©AFP - Omar HAJ KADOUR / AFP
Des habitants de Besnaya, dans la région d’Idlib, tentent de sauver à la main des personnes sous les décombres d’une maison effondrée. ©AFP - Omar HAJ KADOUR / AFP
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Les barrières politiques restent en place malgré le désastre humanitaire au lendemain du séisme : les 4,5 millions d’habitants de la région d’Idlib (nord-ouest syrien), qui échappent toujours au contrôle de Damas, sont privés d’aide internationale car celle-ci ne peut plus venir de Turquie.

Face à une catastrophe de l’ampleur des séismes qui se sont produits en Turquie et en Syrie, on imagine un monde mobilisé pour apporter les secours aux victimes, et toutes les barrières disparaître. C’est hélas, une illusion dans une zone aussi complexe et meurtrie.

Le monde entier propose de l’aide, et des dizaines d’équipes de sauveteurs convergent vers la zone sinistrée dans une course contre la montre pour sauver des vies. Mais les conflits, les haines et les intérêts divergents n’ont pas disparu par enchantement.

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Certaines victimes ont droit à la double peine. C’est le cas des 4,5 millions d’habitants de la région d’Idlib, dans le nord-ouest de la Syrie, directement frappée par le séisme. On y compte au moins 900 morts, des milliers de blessés, d’innombrables sans abris dans la rigueur de l’hiver.

Mais les habitants d’Idlib, dont les deux tiers sont des déplacés des autres régions de Syrie, vivent dans une zone qui échappe encore au contrôle du régime de Bachar el-Assad, et ils dépendent à 90% de l’aide internationale … qui n’arrive plus.

Pour faire pression sur ces millions de personnes, le gouvernement syrien et son allié russe ont progressivement restreint la possibilité de leur faire parvenir l’aide humanitaire. Il y avait autrefois quatre points de passage entre la Turquie et cette région de Syrie ; il n’en reste plus qu’un, Bab al-Hawa.

Chaque année, ce passage frontalier est soumis à un renouvellement au Conseil de sécurité de l’ONU : l’an dernier, Moscou a menacé de mettre son véto, avant de le renouveler pour un an. Un chantage permanent, bien conscient du fait qu’une fermeture de la frontière condamne à mort ces millions de personnes.

Or le chaos et les destructions du séisme dans le sud de la Turquie font que l’aide internationale ne passe plus à Bab al-Hawa, au moment où la population en a le plus besoin. Les témoignages des humanitaires sur place font état d’une détresse totale. « La situation est terrifiante », déclare un médecin syrien cité par le Dr Raphaël Pitti, un humanitaire français très engagé dans cette région.

Des millions de personnes sont donc privées d’aide au milieu de cette catastrophe : 4,5 millions de personnes, dont de nombreux déplacés vivant dans une précarité totale, aggravée par le séisme.

Nous sommes au cœur d’un cauchemar géopolitique. La Syrie est en guerre depuis douze ans, depuis que la population a tenté d’abord pacifiquement de renverser une dictature. Depuis, le pays a été ravagé par la guerre, et le régime de Bachar el-Assad, aidé par la Russie et l’Iran, a repris le contrôle de la majeure partie du territoire : il revendique aujourd’hui la centralisation de l’aide internationale afin d’acquérir la légitimité qui lui fait défaut.

Mais il reste la zone d’Idlib, vers laquelle étaient dirigés les survivants des villes assiégées, et le Nord-Est aux mains des Kurdes, alliés des États-Unis et de la France. Ce puzzle syrien est un rappel que ce conflit n’est pas terminé.

L’urgence est évidemment de permettre l’aide humanitaire à toutes les victimes, où qu’elles se trouvent, sans entraves ; mais n’oublions pas qu’il n’y a toujours aucune perspective de solution politique en Syrie qui permettrait aux réfugiés de rentrer chez eux.