Quand Volkswagen évalue le risque géopolitique en Chine

Chaine de montage de véhicules Volkswagen à Qingdao, dans l’est de la Chine.
Chaine de montage de véhicules Volkswagen à Qingdao, dans l’est de la Chine. ©AFP - stringer / ImagineChina / Imaginechina via AFP
Chaine de montage de véhicules Volkswagen à Qingdao, dans l’est de la Chine. ©AFP - stringer / ImagineChina / Imaginechina via AFP
Chaine de montage de véhicules Volkswagen à Qingdao, dans l’est de la Chine. ©AFP - stringer / ImagineChina / Imaginechina via AFP
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La direction de Volkswagen investit massivement en Chine en estimant qu’il n’y a pas de risque d’invasion chinoise de Taiwan « à court terme ». Les entreprises aussi doivent tenir compte du risque géopolitique, mais l’attrait du marché chinois reste fort.

Le groupe automobile Volkswagen a décidé d’accélérer ses investissements dans la voiture électrique : 180 milliards d’euros, principalement aux États-Unis et en Chine. Dans le « Financial Times » d’hier, on peut lire que la direction du groupe a évalué le risque, et elle a estimé que la Chine n’envahirait pas Taiwan à court terme et donc qu’il était raisonnable d’investir dans ce pays, l’un de ses principaux marchés.

Ce jugement est tout à fait intéressant. Tous les gouvernements au monde s’interrogent sur les intentions chinoises vis-à-vis de l’île de Taiwan que revendique Pékin. On sait moins que les grandes entreprises ont, elles aussi, besoin de calculer le risque géopolitique, et font leurs propres analyses.

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Quelques mois après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le Président de la Chambre de commerce européenne en Chine, qui représente des milliers d’entreprises, avait sonné l’alarme dans une interview à un magazine économique. Joerg Wuttke avait évoqué le traumatisme des entreprises occidentales obligées de quitter la Russie en perdant tout, et avait alerté les autorités chinoises que la même chose pouvait arriver si la Chine envahissait Taiwan.

Selon le « Financial Times », la direction de Volkswagen a donc estimé qu’une invasion était peu probable « à court terme », en raison des dégâts qu’infligeraient une telle action à l’économie chinoise.

On ignore si ce jugement est basé sur des informations précises, ou sur une analyse de la rationalité d’une telle attaque. Dans le premier cas, le constructeur automobile allemand serait mieux informé que les gouvernements ; dans le second, il risque d’être victime de la même illusion que tous ceux qui estimaient que Vladimir Poutine n’attaquerait pas l’Ukraine parce que ce n’était pas dans son intérêt. Ce n’était pas rationnel du point de vue occidental, mais Poutine a sa propre rationalité. Xi Jinping aussi.

Toujours est-il que Volkswagen a donc décidé d’injecter des milliards de dollars en Chine - pays qui lui assure actuellement la moitié de ses bénéfices à l’échelle mondiale. Volkswagen est en Chine depuis les années 80, et a connu une grande réussite.

Il est évident que la décision de Volkswagen n’est pas du seul ressort géopolitique. La Chine est non seulement devenue le premier marché automobile au monde, mais elle a pris un coup d’avance sur les véhicules électriques.

La Chine a pratiqué ce qu’on appelle le « saut de grenouille », c’est-à-dire qu’au lieu de s’épuiser à rattraper son retard dans la technologie précédente, elle passe directement à celle de demain. Depuis des années, elle a construit une chaîne intégrée, du contrôle des minerais africains à la fabrication des batteries, puis à la construction automobile. Aujourd’hui, le premier fabricant de batteries au monde est le chinois CATL, et le principal fabricant de véhicules électriques n’est pas Tesla, mais BYD, un Chinois, également gros producteur de batteries !

Volkswagen a donc estimé qu’il lui était impossible de ne pas rester dans la course sur le marché chinois, et a tenté une évaluation du risque géopolitique. Il reste à prouver que les dirigeants chinois partagent la même rationalité que la direction du groupe allemand. C’est un pari à plusieurs milliards de dollars !