L'Ethiopie vient d'achever le plus grand barrage d'Afrique sur le Nil Bleu. Le remplissage de son réservoir gigantesque pose problème : l'Egypte voudrait avoir son mot à dire.
Direction le long du Nil, entre l’Égypte, le Soudan et l’Éthiopie pour un voyage plus économique et géostratégique que touristique. Et il commence par une info cruciale : l’Éthiopie a commencé le deuxième remplissage du réservoir de son barrage sur le Nil.
Ça n’a l’air de rien cette info sauf que le barrage en question, le Grand barrage éthiopien de la renaissance, est un colosse : c’est le plus grand ouvrage hydroélectrique jamais construit en Afrique, devant le barrage égyptien d’Assouan :
Lorsqu’il sera terminé il produira à lui seul 6 000 MW d’électricité, c’est-à-dire l’équivalent de 6 réacteurs nucléaires !
A lui seul, il doublera voire triplera la production d’électricité éthiopienne et son réservoir pourra retenir 74 milliards de m3 d’eau douce.
Une fierté nationale ce barrage ! D’autant qu’il a été édifié sans recours à l’aide internationale. Chaque Ethiopien a versé des années durant un peu de son salaire pour le terminer. En tout 5 milliards de dollars d’investissement et, enfin, le voilà qu’il se remplit.
L'Egypte et le Soudan en embuscade
Vous commencez à me connaître ! En aval du barrage en question, il y a deux pays concernés : le Soudan et surtout l’Égypte.
L’Égypte est à la fois la puissance économique et militaire de la région et dépend à 97% du Nil pour son approvisionnement en eau.
L’Égypte et ses 100 millions d’habitants qui refuse depuis des années que l’Éthiopie remplisse ce barrage trop vite : elle propose un remplissage du réservoir sur 15 ans au lieu de 5 à 7 ans. L’Égypte qui menace régulièrement d’intervenir militairement.
L’affaire se complique d’autant que le Soudan, lui, est plus réservé. D’une part parce que Khartoum s’est toujours méfiée des rodomontades égyptiennes, d’autre part parce que l’Éthiopie lui a promis de lui vendre de l’électricité à prix coûtant.
Naissance d'une puissance africaine : l'Ethiopie
Objectivement, l’Égypte a tout faux dans cette affaire. D’abord, le partage actuel des eaux du Nil découle d’un traité léonin de 1959 et qui ne laissait presque rien à l’Éthiopie et très peu au Soudan. C’est Le Caire qui s’est réservé la part du lion.
Ensuite, l’Égypte est de mauvaise foi : le remplissage après la saison des pluies du barrage éthiopien ne menace absolument pas son approvisionnement en eau : son propre barrage, celui d’Assouan, est rempli à ras bord et retient bien assez d’eau.
La vérité, c’est que l’Egypte déteste l’idée qu’une nouvelle puissance soit en train de naître dans une région qu’elle contrôlait et surplombait depuis toujours. L’Éthiopie et ses 100 millions d’habitants est en train de relativiser la puissance égyptienne.
Ce qui est vrai, c’est qu’en retenant les eaux du Nil, Addis Abeba obtient une voix au chapitre des discussions sur l’avenir de cette sous-région. Et c’est cela, et uniquement cela, qui insupporte l’Égypte.