La prison à vie pour Osman Kavala, symbole d’une Turquie qui bafoue l’état de droit

Osman Kavala, aujourd’hui âgé de 64 ans, avant sa mise en détention il y a quatre ans et demi.
Osman Kavala, aujourd’hui âgé de 64 ans, avant sa mise en détention il y a quatre ans et demi. ©AFP - Handout / Anadolu Culture Center / AFP
Osman Kavala, aujourd’hui âgé de 64 ans, avant sa mise en détention il y a quatre ans et demi. ©AFP - Handout / Anadolu Culture Center / AFP
Osman Kavala, aujourd’hui âgé de 64 ans, avant sa mise en détention il y a quatre ans et demi. ©AFP - Handout / Anadolu Culture Center / AFP
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La justice turque a condamné le philanthrope Osman Kavala à la prison à vie pour avoir voulu « renverser le gouvernement ». Un procès inique qui s’assoit sur une décision de la Cour européenne des droits de l’homme et toutes les normes de droit.

Le nom d’Osman Kavala risque de ne pas dire grand-chose à la plupart des lecteurs de cette chronique. Cet homme d’affaires et philanthrope turc, âgé de 64 ans, vient d’être condamné à la prison à vie, sans possibilité de remise de peine. Une sentence très lourde, à l’image de l’acharnement judiciaire du Président turc Recep Tayyip Erdogan contre un homme qui incarne le concept même de société civile indépendante. 

En pleine guerre d’Ukraine, alors que la Turquie est membre de l’Otan, le dirigeant turc n’hésite donc pas à défier ses partenaires occidentaux qui ont demandé la libération de M. Kavala.

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Sept autres prévenus qui comparaissaient en même temps que lui ont été condamnés à dix-huit ans de prison chacun. Ils sont architecte, cinéaste, universitaire ou fondateur d’ONG. Eux aussi appartiennent à une société civile que le Président turc est en train d’écraser.

Ils sont accusés de rien de moins que d’avoir voulu « renverser le gouvernement turc ». En fait, il leur est reproché d’être les inspirateurs d’une révolte, au demeurant très spontanée, des jeunes d’Istanbul en 2013, autour du parc Gezi. Osman Kavala avait alors tenté une médiation entre les jeunes et les autorités, une action qui s’est transformée en acte d’accusation et lui vaut déjà d’être en prison depuis quatre ans et demi.

Le cas d’Osman Kavala est devenu le symbole d’un régime autocratique qui s’est émancipé de ses alliances et de ses engagements. La Turquie, puissance régionale majeure, a développé une diplomatie autonome qui la fait naviguer entre les conflits et les intérêts. Le revers de la médaille est qu’elle s’est aussi affranchie de toutes ses obligations, notamment en matière de droits de l’homme et de respect de l’état de droit.

Depuis 2019, le gouvernement turc s’assoit sur une décision de la Cour européenne des droits de l’homme, la CEDH, un organisme lié au Conseil de l’Europe auquel appartient la Turquie. La CEDH avait estimé que la détention d’Osman Kavala était « abusive », ne reposait sur aucun élément solide, et visait à produire « un effet dissuasif sur les défenseurs des droits de l’homme ».

Le non-respect d’une décision de la CEDH peut entraîner des sanctions, que les membres du Conseil de l’Europe rechignent à décréter de peur que la Turquie ne claque la porte.

Le temps des pressions d’un Occident triomphant sur ses membres récalcitrants est passé. Le monde a changé, et un homme comme Recep Tayyip Erdogan l’a parfaitement compris.

Mais le monde multipolaire qui émerge, dans lequel des pays comme la Turquie ont toute leur place, ne doit pas signifier pour autant absence de règles. Le respect de l’état de droit fait partie du socle de valeurs communes de l’appartenance au Conseil de l’Europe, et le Président Erdogan ne peut s’en affranchir sans conséquences.

Cette institution, qui réunit 46 États, est née sur les décombres de la Seconde guerre mondiale. Elle a survécu à la guerre froide, mais est menacée aujourd’hui par la poussée d’autoritarisme. La Russie de Poutine vient d’en claquer la porte après avoir envahi l’Ukraine. La Turquie d’Erdogan veut-elle se retrouver dans la même catégorie de parias ? La condamnation inique d’Osman Kavala risque de l’y précipiter.