Les élections législatives de dimanche en Hongrie se déroulent à l’ombre de la guerre d’Ukraine, et les sondages donnent le parti du premier ministre favori, malgré sa proximité avec Vladimir Poutine.
Comment voter sereinement lorsqu’une guerre majeure se déroule à vos portes ? Comment voter sereinement, surtout, lorsque le parti au pouvoir contrôle les principaux médias et matraque un message clivant qui fait apparaître ses opposants comme partisans de la guerre ?
La Hongrie tient dimanche ses élections législatives, et l’ombre de l’invasion russe de l’Ukraine plane sur ce scrutin majeur pour le pays, mais aussi pour l’Europe. Jusqu’au début de la guerre, la question se posait de savoir si le premier ministre Viktor Orban ne risquait pas d’être battu. Aujourd’hui, pas un sondage ne donne l’opposition gagnante, dans un pays néanmoins polarisé.
L’inamovible leader hongrois, au pouvoir depuis 2010, un ancien libéral passé à l’extrême droite de l’échiquier, chantre de la démmocratie dite « illibérale », se voit pour la première fois défié par une opposition unie. Huit partis d’horizons très divers ont choisi un candidat commun comme chef de file, Peter Marki-Zay, 49 ans, maire catholique conservateur d’une petite ville, au profil rassurant, susceptible de battre l’homme fort de la Hongrie.
Au début du conflit, Viktor Orban pouvait sembler une victime collatérale de l’invasion russe. Il est le dirigeant européen le plus pro-Poutine, et se trouvait à Moscou pour négocier un nouvel accord gazier quand tout le monde s’inquiétait déjà d’une attaque de l’Ukraine.
Mais il a eu l’habileté de faire un virage brutal, ne faisant pas obstacle aux décisions européennes contre la Russie, sans rien faire lui-même contre son ami Poutine, et surtout sans aider militairement l’Ukraine. Au point que la semaine dernière, lors du Conseil européen, le président ukrainien Zelensky l’a interpellé brutalement : « Viktor, sais-tu ce qui se passe à Mariupol ? », la ville assiégée par l’armée russe.
Orban a aussi recours à un matraquage de propagande à travers les médias que ses amis contrôlent, pour se présenter comme le garant de la paix, tandis que ses opposants entraîneraient la Hongrie dans la guerre. Ou encore sur le prix de l’énergie qu’il a fait baisser grâce à ses liens avec Poutine. Peu importe que ses rivaux soient juste alignés sur les positions des autres Européens, les arguments portent sur une opinion légitimement inquiète, moins dans les grandes villes que dans les campagnes.
Viktor Orban est devenu au fil des années le chef de file d’un courant anti-construction européenne, et ses alliés sont dans les extrêmes droites des différents pays, en Italie, en France. Il est en conflit ouvert avec Bruxelles sur les atteintes à l’état de droit, à la liberté de la presse, la liberté académique ; il refuse de rejoindre le Parquet européen de peur qu’il s’intéresse trop aux affaires de ses proches.
Même s’il remporte de nouveau ces élections comme l’indiquent les sondages, Viktor Orban est affaibli par la guerre de son ami Poutine. Il s’est isolé par rapport à ses voisins et alliés dans une approche eurosceptique, le groupe dit de Visegrad, avec la Pologne, la République tchèque et la Slovaquie. Tous sont derrière l’Ukraine, sauf la Hongrie, et le groupe de Visegrad ne se réunit plus.
Cet isolement n’a pas de conséquences électorales, au contraire, la guerre semble donner une prime à la stabilité, donc au sortant. Mais Viktor Orban ne sortira pas indemne de cet épisode politique.
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