Blinken-Lavrov, dix minutes de non-dialogue pour une impasse diplomatique

France Inter
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Le G20 ministériel s’est conclu sans communiqué commun, la présidence indienne ne parvenant pas à trouver des termes communs sur la guerre en Ukraine. Le signe que l’heure de la diplomatie n’a pas encore sonné dans ce conflit qui ne cesse de s’aggraver.

Dix minutes : c’est la durée de l’entretien Blinken-Lavrov. Le Secrétaire d’État américain Anthony Blinken, et le chef de la diplomatie russe, Sergei Lavrov, se trouvaient tous les deux à New Delhi pour une réunion des Ministres des Affaires étrangères du G20, le groupe des principales économies mondiales. C’était leur première rencontre depuis le début de la guerre en Ukraine il y a un an - et elle fut brève, c’est le moins qu’on puisse dire.

La porte-parole russe a même tenu à préciser qu’il n’y avait eu « ni réunion, ni négociation », au cours de cette brève rencontre, organisée à l’initiative de la partie américaine.

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Ce non-dialogue est à l’image de ce qui s’est passé à la réunion du G20. Cette enceinte est l’une des seules où Occidentaux, Russes et Chinois se retrouvent. C’est au Sommet du G20 à Bali en novembre que Joe Binden et Xi Jinping avaient renoué leur dialogue. Vladimir Poutine n’était pas venu.

Hier à Delhi, le climat était encore plus glacial, à la grande déception de la présidence indienne du G20, qui comptait sur son attitude non alignée dans la guerre en Ukraine pour faire bouger les positions.

A Delhi, il n’a même pas été possible de s’entendre sur une déclaration commune sur la guerre : Russes et Chinois ont fait bande à part, empêchant tout consensus, même faible. Ça ne fait que confirmer que l’heure n’est pas encore à la diplomatie, malgré les effets d’annonces des derniers jours, en particulier le fameux plan chinois qui a fait couler beaucoup d’encre.

La Chine est dans une contradiction. Elle veut donner l’image d’une grande puissance responsable qui cherche à apaiser les tensions. Elle publie son plan en douze points, et lance un appel au cessez-le-feu avec l’allié de Moscou, le dictateur biélorusse Loukachenko.

Mais dans le même temps, elle bloque toute déclaration un minimum signifiante au G20, et colle en permanence au discours anti-américain partagé avec le Kremlin. C’est d’autant plus contradictoire que Pékin se présente souvent comme le porte-parole, voire le leader naturel du « Sud global », comme on appelle les pays qui refusent de s’aligner sur l’un ou l’autre camp en Ukraine.

Et il y a ce soupçon de fourniture d’armes chinoises à la Russie, une question majeure aujourd’hui. Les États-Unis ont révélé que Pékin envisageait de fournir à la Russie du matériel « létal » - par opposition à de l’équipement informatique ou logistique. Pékin a démenti, mais les accusations se sont poursuivies cette semaine, avec une déclaration du Directeur de la CIA, William Burns.

On peut se demander pourquoi les Américains font preuve d’autant de transparence dans leur renseignement, un peu comme ils avaient annoncé à l’avance, et avec raison, les plans d’invasion russe de l’Ukraine. Comme l’an dernier, il pourrait s’agir d’une tentative de dissuasion, accompagnée de la menace implicite de sanctions.

Il y a dans ce bras de fer un moment décisif de la guerre, car si la Chine se met à livrer du matériel de guerre -on parle de drones dans un premier temps-, ça pourrait modifier le rapport de forces. Les Américains veulent dissuader les Chinois de franchir ce rubicon-là : l’échec de la rencontre du G20 est de ce point de vue de mauvais augure.