Le leader chiite irakien Moqtada As-Sadr a demandé à ses partisans d'occuper le Parlement à Bagdad et exige de nouvelles élections. Le pays s'enfonce donc dans la crise politique.
Depuis plusieurs jours maintenant, le Parlement irakien est occupé…
Occupé par une foule de partisans du leader chiite Moqtada As-Sadr, un homme qui a remporté les élections en octobre mais qui depuis 10 mois a été incapable de faire élire un président ou de désigner un Premier ministre.
Devant l’impasse, il a donc demandé à ses partisans d’occuper le Parlement tant qu’il n’aurait pas obtenu sa dissolution et la convocation de nouvelles élections. Cette fois-ci, la confrontation n’oppose pas chiites et sunnites ou kurdes contre tous les autres, comme lors des guerres civiles qui ont dévasté le pays entre 2006 et 2017.
Cette fois-ci ce sont les chiites qui se déchirent entre eux : dans un pays où 60% de la population est chiite, c’est à cette communauté que revient depuis 2003 l’initiative gouvernementale. Or, les Chiites irakiens sont divisés en deux camps :
Celui, disons nationaliste, de Moqtada As-Sadr qui rejette les influences étasuniennes et iraniennes ; et celui, où se retrouvent des milices réunies dans une « coordination » pro-iranienne. Elle a certes perdu les législatives, mais fait de l’obstruction parlementaire systématique. Moqtada As-Sadr a donc décidé de jouer la rue contre ces manœuvres.
L’Irak a pourtant déjà récemment connu d’immenses manifestations…
Le problème est que, contrairement aux manifestations citadines et étudiantes de 2019/2020, les manifestants d’aujourd’hui ont un leader, Moqtada As-Sadr, une organisation qui les convoque et les motive… et surtout, des armes, beaucoup d’armes.
Autant, sinon plus, que les milices pro-iraniennes armées. Elles se servent régulièrement de leur arsenal généreusement fourni par Téhéran pour commettre des attentats contre des politiques qui les contrarient et des attaques contre les camps retranchés de soldats étasuniens toujours présents en Irak.
L’Iran veut d’abord et avant tout la défaite définitive, absolue des Etats-Unis. La victoire des talibans en Afghanistan doit beaucoup à Téhéran qui, contre Washington, tente tout. Mais en Irak, se joue autre chose : la prééminence iranienne sur le monde chiite.
L’Iran est omniprésent au Liban, en Syrie, au Yémen. Les monarchies du Golfe et l’Arabie saoudite soupçonnent même Téhéran derrière chaque protestation des minorités chiites qui, en plus, vivent pile là où se trouve l’industrie pétrolière et gazière.
Mais la perle de cet empire d’influence iranienne, c’est l’Irak, où se trouve deux des lieux saints du chiisme : Nadjaf et Karbala. A l’inverse, beaucoup de chiites irakiens avant de regarder les Iraniens comme des coreligionnaires, les voient comme des Perses alors qu’eux sont des Arabes.
C’est donc un combat identitaire autant que politique : chiisme iranien « khomeiniste », c’est-à-dire radical, et perse, contre chiisme irakien plus modéré religieusement mais surtout arabe.
Le tout mâtiné d’un boom pétrolier : en mars, le ministre irakien du Pétrole a annoncé des recettes records : 11 milliards de dollars pour 100 millions de barils vendus… sans encombre puisque l’Irak, contrairement à l’Iran, ne fait pas l’objet d’un embargo.