« La démocratie est en danger » : une partie d’Israël dit non à Netanyahou dans la rue

Manifestante "contre la menace de dictature", hier soir à Tel Aviv.
Manifestante "contre la menace de dictature", hier soir à Tel Aviv. ©AFP - JACK GUEZ / AFP
Manifestante "contre la menace de dictature", hier soir à Tel Aviv. ©AFP - JACK GUEZ / AFP
Manifestante "contre la menace de dictature", hier soir à Tel Aviv. ©AFP - JACK GUEZ / AFP
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Une nouvelle journée de « résistance » a eu lieu hier en Israël, contre les réformes du premier ministre. Le Président israélien a appelé au retrait des réformes judiciaires de Netanyahou. Un schisme menace Israël, alors qu’un attentat a eu lieu hier soir à Tel Aviv.

La société israélienne vit des heures intenses, par certains côtés, inédites. Israël a certes une longue histoire de protestations, on rappellera les centaines de milliers de personnes rassemblées contre la guerre au Liban en 1982, ou la révolte sociale des tentes, sur le boulevard Rothschild de Tel Aviv, en 2011.

Mais il y a dans la vague de protestations actuelles une dimension existentielle ; non pas comme en temps de guerre, sur la survie même de l’État hébreu - mais sur son identité, son système politique, ou encore le poids de la religion. C’est parfois difficile à comprendre de l’extérieur, où nous regardons le plus souvent cette partie du monde à travers le seul prisme du conflit israélo-palestinien - qui est, lui aussi, en train de s’aggraver… Un attentat hier soir à Tel Aviv est d’ailleurs venu rappeler que les deux crises évoluent en parallèle.

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Une nouvelle fois hier, des manifestations importantes ont eu lieu à travers le pays contre les réformes qui affaibliront le rôle de la Cour suprême comme contre-pouvoir, contre la dérive illibérale des projets de Benyamin Netanyahou et de sa coalition avec l’extrême droite religieuse. Les protestataires ont reçu le soutien indirect du Président de l’État, Isaac Herzog, qui a parlé d’un « cauchemar » et a appelé le premier ministre à « retirer son plan de ce monde », des paroles fortes.

Benyamin Netanyahou est revenu au pouvoir il y a à peine deux mois, après avoir remporté les cinquièmes législatives en quatre ans à la tête de la coalition la plus à droite de l’histoire du pays. Si certains espéraient voir Netanyahou contenir l’influence des extrémistes de droite, il leur a au contraire donné des postes-clés, avec des responsabilités sur la sécurité et la gestion des territoires palestiniens. Et il a mis en route un plan de réformes qui dénature le système démocratique de l’État hébreu.

Ce rouleau compresseur idéologique a réveillé une partie de la société lassée des querelles politiques des dernières années. Cette frange de la société est démocratique, laïque, inclusive ; et, si elle est désabusée par rapport à l’idée même de paix avec les Palestiniens, elle n’est pas animée par le messianisme des dirigeants actuels qui veulent avaler la Cisjordanie au nom d’un acte de propriété biblique.

Ce sont ces deux Israël qui se font aujourd’hui face, et qui ont des visions antagoniques de l’avenir. Cette polarisation a toujours été là ; mais c’est la première fois que l’Israël idéologique des colons et des religieux dicte à ce point l’agenda. Et veut l’imposer au reste du pays autant qu’aux Palestiniens sous son contrôle.

C’est ce qui explique les réactions sans précédent, les réservistes de l’unité d’élite de l’armée de l’air qui menacent de refuser de voler si les réformes sont votées ; ou, plus symbolique encore, les membres du commando israélien qui avait libéré les otages du vol Air France détourné sur l’Ouganda en 1976, qui ont écrit à Netanyahou pour le désavouer. Le chef de ce commando, mort dans l’opération, était le propre frère du premier ministre.

Il y a un risque de schisme profond dans la société israélienne. Si Netanyahou ne recule pas, la fracture sera totale ; tout comme l’incompréhension que cette crise suscite chez les juifs américains, longtemps un pilier du soutien à Israël, et même en France si on en juge d’après une tribune signée par de nombreuses personnalités juives de France dans « Le Monde » hier, et intitulée « La démocratie est en danger en Israël ».