Enjeu stratégique, l’Europe s’attaque à nos dépendances en matière de minerais

Mines d’extraction de lithium au Chili, dans le désert Atacama. La demande de lithium en Europe sera multipliée par douze d’ici à 2030.
Mines d’extraction de lithium au Chili, dans le désert Atacama. La demande de lithium en Europe sera multipliée par douze d’ici à 2030. ©AFP - Lucas Aguayo Araos / ANADOLU AGENCY / Anadolu Agency via AFP
Mines d’extraction de lithium au Chili, dans le désert Atacama. La demande de lithium en Europe sera multipliée par douze d’ici à 2030. ©AFP - Lucas Aguayo Araos / ANADOLU AGENCY / Anadolu Agency via AFP
Mines d’extraction de lithium au Chili, dans le désert Atacama. La demande de lithium en Europe sera multipliée par douze d’ici à 2030. ©AFP - Lucas Aguayo Araos / ANADOLU AGENCY / Anadolu Agency via AFP
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La Commission européenne a publié un plan visant à protéger la souveraineté du continent dans sa quête de minerais nécessaires à la transition écologique et à la numérisation. Afin d’éviter de passer d’une dépendance à l’autre après la mésaventure du gaz russe.

C’est un des grands paradoxes de notre époque : pour sortir de certaines de nos dépendances et fragilités, révélées dans des crises comme le Covid ou la guerre en Ukraine, nous courons le risque de tomber dans d’autres dépendances, pas moins toxiques. La transition écologique, la numérisation de notre économie ou les besoins accrus de la défense, nous font courir ces risques avec l’approvisionnement en minerais stratégiques.

La Commission européenne a publié hier un plan visant à échapper à cette fatalité, en fixant des objectifs réalistes à relativement court terme, la fin de cette décennie.

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C’est un plan qui va à rebours des dogmes de la mondialisation des trente ou quarante dernières années, qui reposait sur des chaînes d’approvisionnement à flux tendu, d’un bout à l’autre de la planète ; et qui, soyons honnêtes, évacuait hors d’Europe les tâches les moins « propres », comme l’extraction minière ou le raffinage des minerais.

Le pendule revient désormais dans l’autre direction, si possible dans de meilleures conditions environnementales et sociales. L’Europe sera-t-elle capable de réaliser ces objectifs tout en restant dans les clous de la transition écologique et numérique ? C’est tout le défi.

Le plan présenté hier dresse la liste de ces minerais critiques ou stratégiques, que l’on retrouve dans les technologies dites propres, batteries électriques ou panneaux solaires, mais aussi dans les satellites, les matériels informatiques ou les armes. La demande ne fait que croître : par exemple multipliée par douze d’ici à 2030 pour le lithium des batteries des voitures électriques, multipliée par quatre ou cinq pour les terres rares nécessaires aux éoliennes.

La Commission demande aux États-membres, pour assurer la souveraineté du continent, de prévoir d’extraire du sol européen 10% des besoins en 2030. Un projet de mine de lithium est ainsi prévu en France, après des années d’abandon de toute ambition minière.

Elle demande également que 15% des besoins soient assurés par le recyclage, un secteur en pleine expansion et qui a une nature vertueuse. Autre objectif : limiter à 65% la part d’un seul pays tiers dans l’approvisionnement d’un minerai critique, afin de ne pas se retrouver, comme dans le cas du gaz russe, entre les mains d’un seul fournisseur.

On peut véritablement s’interroger sur la capacité des 27 à réussir à la fois la transition de leur modèle, tout en créant de nouveaux circuits d’approvisionnement, en réimplantant des secteurs d’activité auxquels l’Europe avait tourné le dos, et en protégeant leur souveraineté. C’est un enjeu vertigineux.

Cela passe notamment par les rapports que l’Europe va pouvoir nouer avec les pays producteurs de ces minerais, car l’état des lieux actuel est problématique. D’abord parce que la Chine a trusté depuis des années une bonne partie des ressources minières, en Afrique et en Amérique latine, et du raffinage chez elle, avec une véritable vision que l’Occident n’avait pas. La Chine a également accepté de payer le prix de la dégradation de son environnement, par exemple pour exploiter les terres rares dont le reste du monde ne voulait plus.

Les 27 ont multiplié les grands défis ces derniers mois, le plan batteries électriques ou celui sur les semi-conducteurs. Prise entre l’attractivité des États-Unis avec leur énergie moins chère et leurs subventions généreuses, et le risque hégémonique chinois, l’Europe joue là aussi son avenir.