Où l'on voit pourquoi Mme Merkel emprunte maintenant à la France l'idée d'Europe puissance...
C’est un retournement de situation. Dans le couple franco-allemand, c’est la France qui avait toujours marqué ses distances vis-à-vis des Etats-Unis tandis que l’Allemagne était, elle, fondamentalement atlantiste et profondément embarrassée par les constantes critiques françaises de la politique américaine.
Cela semblait constitutif aux deux pays mais tout s’est inversé depuis dimanche. Choquée par les tergiversations de Donald Trump sur le réchauffement climatique, ulcérée par la persistance de ses ambiguïtés sur la pérennité de l’Otan, la chancelière est soudain devenue française en déclarant ce jour-là que le temps où l’Europe pouvait s’appuyer sur d’autres, autrement dit sur les Etats-Unis, était « dans une certaine mesure révolu ».
Le choc en a été tel à Washington, au Congrès, dans la presse et dans tout le monde politique, que le porte-parole d’Angela Merkel s’est senti obligé de réaffirmer lundi qu’elle était « une atlantiste intimement convaincue ».
La chancelière a elle-même rappelé « l’importance primordiale » qu’elle attachait à la relation transatlantique mais, cela ayant été dit, elle est aussitôt remontée au créneau en déclarant qu’il « était bon de ne pas passer sous silence nos divergences » et que « quiconque se mettait des œillères nationales prenait des risques ».
« Quiconque », c’était bien entendu Donald Trump et la chancelière a enfoncé le clou mardi en jugeant « extrêmement important » que l’Europe « devienne un acteur international » et « prenne son destin en main ».
"Europe puissance"
En français, cela se disait depuis un demi-siècle « Europe puissance », notion moquée et repoussée par tout le reste de l’Europe mais notion maintenant devenue allemande et applaudie par l’Italie qui vient de donner raison à Mme Merkel.
Grâce à Donald Trump, l’Europe devient française et le plus étonnant est que ce renversement se produit au moment même où le nouveau président de la République ménage lui le président américain en le créditant de « pragmatisme », reçoit le président russe à Versailles et opère ainsi, tout en ne mâchant pas plus ses mots avec l’un qu’avec l’autre, un grand retour de la France sur la scène internationale. C’est ainsi que Donald Trump apprécie Emmanuel Macron mais lance des tweets assassins contre l’Allemagne qualifiée de « mauvaise » pour les Etats-Unis en raison du succès qu’y rencontrent ses exportations, de voitures notamment.
Apparement, c’est une divergence, inversée mais une divergence, entre Paris et Berlin mais ce n'est en fait qu'une différence de tempérament entre une chancelière femme de principes et fort peu souple et un président qui a fait de la « bienveillance » une arme et se fait fort de pouvoir convaincre chacun de retrouver le chemin du bon sens.
Les styles sont totalement différents mais, sur le fond, la chancelière et le président sont en totale connivence et veulent l’un et l’autre faire de l’Union une puissance politique capable de se défendre seule, de parler pour et par elle-même et de s’affirmer en pôle de stabilité internationale.
Donald Trump pourrait bientôt compter au rang des pères de l’Europe.
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