Trois attentats-suicides en Arabie Saoudite en moins de 48h...
Anthony Bellanger.
La réponse la plus claire à cette question est : oui. Oui, l'Etat islamique veut punir le régime saoudien pour sa participation à la coalition qui le bombarde en Irak et en Syrie. Mais évidemment, cette réponse n'épuise pas le problème.
Qu'entend-on, ici et là ? Que les Saoudiens ont nourri le monstre qui aujourd'hui leur mord la main. C’est en grande partie faux. La réalité, c'est que l'Arabie saoudite considère l'Etat islamique comme un groupe terroriste depuis mars 2014.
C’est tardif, certes, mais ça signifie qu'il est interdit à tout Saoudien de financer l'Etat islamique, par le biais d'associations charitables par exemple. Cette loi empêche-t-elle tout financement privé ? Non.
Il suffit d'envoyer son argent au Koweït, la vraie plaque tournante du financement djihadiste. Mais c’est prendre un vrai risque. En clair, il faut être convaincu pour être Saoudien et s'opposer ainsi à son propre régime.
Mais avant 2014, ce financement a-t-il existé ?
Oui, les spécialistes parlent de plusieurs dizaines de millions de $ d'argent privé saoudien – j'insiste. Mais aussi en provenance de tout le Golfe. Mais, il faut bien comprendre une chose :
L'Etat islamique s'est très vite payé sur la bête, vendant du pétrole, levant l'impôt, trafiquant des antiquités ou braquant des banques. L'argent saoudien, koweitien ou émirati n'a vite représenté qu'une sorte de cerise sur le gâteau de l’extorsion.
Reste que beaucoup de ces djihadistes sont Saoudiens et que le régime finance des prêcheurs radicaux dans le monde entier...
Et des mosquées, et des bourses d'études… Mais au fond, j’allais dire, comme le Maroc, l'Algérie ou la Turquie. Trois pays qui veulent être les protecteurs de « leurs croyants » et de leur diaspora.
Les Saoudiens, eux, se voient en leader du monde musulman sunnite. Ils sont les protecteurs des deux mosquées saintes de l'Islam, La Mecque et Médine, ils ont de l'argent et, de leur point de vue, leur version rigoriste de l'Islam n'a pas démérité.
Et si l’on se fait l’avocat du diable, c’est vrai que depuis 1932 et la création de l'Arabie saoudite, ce régime qui allie [religion et monarchie de fer] jouit d'une stabilité unique au Moyen-Orient.
Le seul problème, toujours selon les Saoudiens, ce sont ces milliers de jeunes qui se battent sur tous les fronts du djihad, d'Afghanistan à la Syrie, au nom de leur vision rigoriste de l'Islam.
Des djihadistes que le régime saoudien continue de voir au mieux, comme des enfants perdus qu'il faudra remettre dans le droit chemin. Au pire, comme des idiots utiles qui servent ses intérêts en affaiblissant leurs ennemis chiites.
Et c’est bien là le problème. Parce que pour ces djihadistes, l’indulgence n’est pas permis : l’ennemi est chiite ou occidental mais aussi saoudien. L’Etat islamique vient de le démontrer avec 3 attentats dont 1 à Médine, la ville sainte de l’Islam.
Le réveil est donc très brutal pour les Saoud.
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