

La Présidente de la Commission européenne a présenté un plan de réforme de la politique migratoire de l’UE, une réponse aux divisions apparues en 2015. Mais son plan porte toujours la marque du compromis, et n’est pas sûr de changer la donne.
La vague migratoire de 2015 reste l’un des grands échecs de l’Union européenne ces dernières années, un traumatisme politique qui a laissé des traces durables à l’échelle du continent. On se souvient des pays d’Europe centrale qui érigeaient des barbelés quand l’Allemagne accueillait un million de migrants ; et si la crise est moins aigüe, la récente tragédie du camp de Moria, dans l’île grecque de Lesbos, dans lequel s’entassaient quelque 15 000 personnes dans des conditions très dégradées, montre que la question est toujours sans solution.
La nouvelle Commission européenne a tenté hier de déminer ce terrain toujours sensible, mais la proposition de réforme présentée hier par sa présidente, Ursula Von der Leyen, porte la marque des compromis entre les différentes sensibilités européennes, et risque donc de mécontenter ou de décevoir.
C’est sans doute inévitable, dans la mesure l’Europe doit arbitrer, aujourd’hui, entre des mauvaises solutions. C’est ce que la Présidente de la Commission a décrit comme un "juste équilibre entre solidarité et responsabilité".
Il y a incontestablement des améliorations à un système qui ne fonctionnait plus, en particulier dans les pays d’arrivée comme la Grèce ou l’Italie. Les demandes d’asile des nouveaux arrivants devront être traitées dans un délai bien plus rapide ; au niveau national comme au niveau européen, c’était une nécessité.
Le corollaire de cette accélération, c’est le renvoi tout aussi rapide de ceux qui se verraient refuser l’asile vers leur pays d’origine. C’est ce qui fait dire aux détracteurs du plan que le principe d’une "Europe forteresse" n’a pas été abandonné par Bruxelles, ce qui n’est guère surprenant dans le contexte politique du continent.
L’autre volet, encore plus sensible, c’est celui de la solidarité entre pays européens qui deviendrait "obligatoire" en cas de nouvel afflux de masse, et lié à des incitations ou des pénalités financières. Il s’agit de vaincre le refus toujours vif de plusieurs pays d’accepter des réfugiés chez eux. On ne parle plus de quotas comme en 2016, mais d’aide "stricte et nécessaire" de tous en cas d’afflux.
Cette réforme ne résoudra pas le problème ; car ce plan essaye surtout d’améliorer le système, de soulager les pays d’arrivée, et d’apporter des solutions plus humaines et plus équitables pour les hommes et les femmes qui arrivent en Europe après un vrai calvaire. Ca n’est évidemment pas négligeable. Mais il n’a pas prise sur l’ensemble de l’équation. Ni sur les pays de départ ; ni sur ceux qui jouent le rôle de verrou ambigu sur le chemin de l’Europe, comme la Turquie ou la Libye ; ni, enfin, sur le sort de ceux que l’on renverra vers un horizon qu’ils avaient cherché désespérément à fuir.
L’Europe qui parle haut et fort de ses valeurs qu’elle oppose aux régimes autoritaires à ses portes, a laissé trop longtemps se perpétuer des situations qui constituent de véritables atteintes à la dignité humaine.
Le véritable test de cette tentative de réforme de la politique migratoire sera, au minimum, le fait de ne plus revoir sur le continent des lieux déshumanisés comme le camp de Moria ou la "jungle" de Calais ; c’est à la fois peu - et ce serait déjà beaucoup.
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