Eh bien c’est fait. Comme on l’avait laissé prévoir ici dès lundi, le Luxembourg a annoncé hier sa renonciation au secret bancaire auquel l’Autriche sera ainsi – mais sans doute plus pour très longtemps – le dernier pays membre de l’Union européenne à s’accrocher encore.
Alors oui, bien sûr, cette renonciation n’est pour l’instant pas totale. Elle n’interviendra pas avant le 1ier janvier 2015, ne concernera que les particuliers et non pas les entreprises et seulement ceux des particuliers qui sont ressortissants d’un pays de l’Union et ne résident pas aux Luxembourg. Des entreprises, même européennes, pourront continuer à cacher des profits non-déclarés dans les caisses du Grand Duché et entreprises et particuliers de pays extérieurs à l’Union continuer à en faire autant.
Le Luxembourg n’a pas complètement tourné la page sur un secret bancaire qui a fait de lui une grande place financière internationale. Comme l’a dit son Premier ministre, « les lumières ne vont pas s’y éteindre » mais, en acceptant l’échange automatique d’informations sur les dépôts de ressortissants européens dans ses banques, en acceptant de signaler automatiquement ces comptes au fisc des pays européens concernés, le Luxembourg, pays fondateur de l’Union, va enfin cesser d’offrir la protection de ses frontières à des fraudeurs qui volent d’autres pays européens et contribuent à leurs déficits.
C’est bien le moins, dira-t-on, et c’est à raison qu’on le dira mais il aura, pourtant, fallu pour cela un puissant et stupéfiant faisceau de convergences qui condamnent, à terme, le secret bancaire dont les années sont maintenant comptées. Il y eut, d’abord, la crise de Wall Street, en 2008, fruit d’une déréglementation financière dont avaient très largement profité les paradis fiscaux et qui avait amené les grandes puissances à leur déclarer la guerre.
Cette crise s’approfondissant avec celle des dettes publiques européennes, il y eut ensuite la pression montante de pays qui ne pouvaient plus tolérer qu’une part si importante de leurs rentrées fiscales leur échappe alors même qu’ils étaient en train de racler leurs fonds de tiroirs. Ces pays, tous et pas seulement la France, ne pouvaient plus à fois conduire des politiques de rigueur et laisser des contribuables se soustraire à l’impôt avec autant de facilité. C’est dans ce contexte que l’Allemagne a commencé à traquer ses fraudeurs, rémunérer leur dénonciation et hausser le ton avec la Confédération helvétique.
Et puis il y eut les Etats-Unis qui ont décidé d’obliger les banques étrangères voulant travailler sur leur territoire à leur signaler tout compte détenu chez elles par des citoyens américains. C’était donnant-donnant. Si une banque ne voulait pas perdre la possibilité, évidemment vitale pour elle, de travailler avec les Etats-Unis, elle devait se conformer à cette obligation.
Ce que le Luxembourg a du concéder aux Etats-Unis, il ne pouvait donc plus le refuser au reste de l’Europe et c’est ainsi que l’Autriche devra suivre, que le secret bancaire finira par totalement disparaître dans l’Union et aura bien du mal à survivre dans le reste du monde. La bataille restera longue. Elle n’est pas déjà gagnée mais c’est en très bonne voie.
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