C’est un parti dont on ne parle guère, un parti présent dans 42 pays du monde mais qu’est-ce que ce Parti des pirates qui vient de se propulser à 12% des intentions de vote en Allemagne, soit trois fois plus que les Libéraux avec lesquels gouverne Mme Merkel ?
C’est à l’origine une invention suédoise. Crée à Stockholm en janvier 2006 pour défendre un « Internet libre et sans aucune licence dans une société ouverte », le Piratpartiet connut trois mois plus tard un essor foudroyant à l’occasion des poursuites judiciaires engagées contre un site web accusé de diffuser des copies illégales de films et autres productions culturelles. Il avait alors été reproché aux autorités suédoises d’avoir cédé aux pressions des plus gros producteurs américains. Elles auraient ainsi bafoué la liberté d’information et d’accès à la culture. Elles se seraient couchées devant les puissances réunies de l’Amérique et de l’argent, quoi qu’il en soit, c’est ainsi que le Piratpartiet s’était adjugé deux sièges au Parlement européen et une notoriété qui allait faire la fortune internationale de ce label fleurant bon l’abordage des navires du commerce entre Etats ou grandes compagnies.
Partout où ils se sont développés, les Pirates l’ont fait sur les trois thèmes phares de leurs précurseurs suédois. Ils veulent réformer le droit d’auteur afin de rapidement assurer un accès libre, non commercial et gratuit aux œuvres littéraires ou artistiques. Ils veulent abolir les brevets scientifiques afin de faire des découvertes et progrès de la science un bien commun de l’humanité dont elle pourrait immédiatement profiter sans obstacles financiers. Ils veulent, enfin, défendre le droit à la vie privée contre les législations mises en place au nom de la lutte contre le terrorisme car « les terroristes, disent-ils, peuvent attaquer une société ouverte à tous mais seuls les gouvernements peuvent l’abolir ».
Les Pirates ne se réclament ni de la gauche ni de la droite mais de ces trois seules idées dont ils semblent penser qu’elles pourraient à elles seules redéfinir nos sociétés, dans le consensus et sans violence. Cela peut laisser perplexe mais le fait est qu’un des plus célèbres blogueurs tunisiens, un homme qui ne fut pas pour rien dans la chute de Ben Ali, se réclame de l’Internationale pirate dont il a fondé une section dans son pays ; qu’il y a des Pirates du Brésil au Kazakhstan et de la Nouvelle Zélande à la Russie ; qu’ils constituent la première organisation de jeunesse en Suède ; qu’ils comptent présenter des candidats aux législatives françaises et qu’ils ne sont plus qu’à un point des Verts en Allemagne où ils viennent d’obtenir 7,4% des voix dans la Sarre après en avoir obtenu près de 9 %, l’année dernière, aux élections municipales de Berlin.
Leur émergence n’est pas qu’anecdotique. Elle veut dire qu’une grande partie de la jeunesse mondiale ne se reconnaît pas dans l’offre politique, qu’elle voit dans la commercialisation de la création un obstacle au progrès, considère que la liberté d’internet est sa liberté de s’informer, se former et s’affirmer de manière autonome, qu’elle est donc sacrée, la clé de tout, et préfigure son affranchissement de pouvoirs en place qu’elle rejette. Les Pirates ne changeront peut-être pas le monde mais on aurait tort d’ignorer ce qu’ils expriment.
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