Se venger à chaud ou attendre l’arrivée de Joe Biden le 20 janvier pour laisser une chance à la diplomatie ? C’est le choix que doivent faire les dirigeants iraniens après l’assassinat, attribué à Israël, de l’homme-clé de leur programme nucléaire.
Mohsen Fakhrizadeh aura droit aujourd’hui à des funérailles d’État à Téhéran. Ce scientifique de 62 ans, considéré comme l’homme-clé du programme nucléaire, a été abattu en plein jour vendredi près de la capitale iranienne ; un assassinat non revendiqué mais qu’Israël se cache à peine d’avoir commandité. Tout le monde dans la région se souvient que Benyamin Netanyahou, en 2018, avait désigné ce scientifique lors d’une conférence de presse, et avait ajouté : « retenez bien son nom » !
Mais ce n’est pas un simple épisode de plus dans la guerre de l’ombre entre les deux pays, en raison du contexte : nous sommes à sept semaines de la prise de fonction d’un nouveau Président américain. Et Joe Biden a l’ambition de redonner vie à l’Accord nucléaire de 2015 conclu sous l’ère Obama, et auquel Donald Trump voue une hostilité tenace, partagée avec Israël et l’Arabie saoudite.
Cet assassinat place l’Iran face à un choix déterminant. Faut-il riposter, répondre aux appels à la vengeance qui se font entendre dans les rangs des durs du régime, les Gardiens de la Révolution - déjà durement frappés en début d’année par la mort de leur officier emblématique, le général Ghassan Soleimani, tué par un missile américain à Bagdad ?
L’Iran a subi une humiliation avec cet assassinat, une faille de sécurité de plus pour un pays aussi contrôlé. La facilité avec laquelle les agents israéliens opèrent en Iran a des allures de série Netflix. Ca pourrait inciter à la vengeance à chaud. Le Parlement iranien a voté une motion unanime pour appeler à venger le savant assassiné.
Mais ce n’est sans doute pas le choix que feront les dirigeants iraniens, conscients de la partie qui se joue. Une riposte iranienne pourrait entraîner des attaques israéliennes, et peut-être aussi américaines, sur les installations nucléaires en Iran, et créer un climat de confrontation qui empêcherait durablement toute action diplomatique.
Les dirigeants iraniens semblent avoir privilégié jusqu’ici une position d’attente jusqu’à l’arrivée de Joe Biden, afin de tester la volonté, et la marge de manœuvre, du nouveau Président à leur égard.
Que pourra faire Joe Biden ? Il y a aujourd’hui deux pays en infraction vis-à-vis de l’accord : les États-Unis qui s’en sont retirés et ont imposé des sanctions unilatérales, et l’Iran qui a repris son programme d’enrichissement d’uranium.
Le premier pas pour lui redonner vie serait que, sans même se parler, chaque pays se mette en conformité avec l’accord existant ; un accord que les Européens ont maintenu tant bien que mal en vie pendant les années Trump.
Mais ça ne suffira pas, car les Occidentaux veulent désormais négocier la durée de vie de l’accord, le programme balistique et l’action régionale des Iraniens. C’est difficile à avaler pour Téhéran - mais en diplomatie, rien n’est impossible, surtout dans la situation économique catastrophique de l’Iran.
A condition que le climat permette encore la diplomatie. C’est tout l’enjeu des sept prochaines semaines, entre un Donald Trump et ses alliés qui choisissent la politique de la terre brûlée pour empêcher le retour à la négociation - et un Iran sous pression qui doit résister à la tentation de la vengeance.
Difficile de dire dans quel état sera le dossier iranien lorsque Joe Biden s’installera à la Maison Blanche.
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