On a beaucoup commenté la victoire du non. Vous avez voulu vous attarder sur la défaite du oui... La déroute du « oui », vous voulez dire : il y a dans le vote d'hier beaucoup plus qu'un référendum remporté, même largement, par l'actuel Premier ministre grec. Il y a un rejet massif, je dirai même violent, du camp du oui. Un rejet qui mérite explication.Qui a appelé en Grèce à voter pour le oui ? D'abord un quarteron d'anciens Premiers ministres, socialiste et droite réunis. Je vais égrener leur noms à dessin : Samaras, Papandréou, Karamanlis et même Kostas Simitis.Tous ont appelé à voter oui, convaincus que leurs voix portaient et qu'ils comptaient encore dans la vie politique du pays. Ce sont ces même 4 Premiers ministres qui ont, ensemble, mis la Grèce dans l'état lamentable dans lequel elle se trouve aujourd'hui.Pire encore, pour au moins 3 d'entre eux, ils représentent, par leur nom même, ces familles qui depuis plus d'un siècle dirigent le pays. Ceux-là, leur arrogance, leurs airs de patriciens, leur fortune, les Grecs ne veulent plus en entendre parler. C'est NON !Si l'on ajoute à cela, les appels à voter OUI des armateurs, des grandes familles d'industriels, des chambres syndicales de métiers, en clair de tous ceux qui ont fraudé le fisc depuis des dizaines d'années, on comprend mieux le rejet massif des Grecs.Enfin, il y a eu l'image qui tue : les Grecs, sont des passionnés d'information. Or il se trouve que tous les Grecs ont vu à la télévision les smartphones dernier cri, les sacs à main à plusieurs centaines d'euros des manifestants athéniens du OUI. Trop, c'est trop !Ils ont aussi voté avec en tête, le souvenir de la résistance grecque pendant la seconde guerre mondiale... C'est très important à comprendre quand on parle des Grecs. Plus encore que les Français, les Grecs se voient comme un peuple de résistants. A raison d'ailleurs : ils ont résisté massivement à l'Italie puis à l'Allemagne et ont payé très lourdement ce courage.N'oubliez jamais qu'aux dernières élections européennes, il y a quelques mois, ils ont envoyé à Strasbourg un député de 91 ans, Manolis Glezos, qui en 1941, à 18 ans, a décroché le drapeau nazi qui flottait sur le Parthénon. Elu sur la liste de Syriza.Quel rapport, me direz-vous, avec le référendum d'hier ? Pour les Grecs, l'Europe est à nouveau occupée économiquement par l'Allemagne et voter non, c'est résister comme il y a 70 ans. C'est particulièrement injuste, mais c'est ce que pensent beaucoup de Grecs.En résumé, si les Grecs ont rejeté massivement le OUI, ce n'est parce qu'ils sont soudain devenus d'extrême gauche, c'est parce qu'ils haïssent une élite politique qui les a trahi et c'est parce qu'ils ne veulent pas d'un tête à tête économique avec l'Allemagne.Est-ce que l'Allemagne l'a compris ? Je vais être optimiste : le fait qu'Angela Merkel ait décidé de se déplacer à Paris aujourd'hui montre que ce message est peut-être passé : quand on parle argent en Europe, on parle avec l'Allemagne. C'est un fait.Mais lorsque la politique reprend le dessus, quand il y a PLUS en jeu que de simples additions, l'Allemagne retrouve le chemin de Paris. Autrement dit, les jours, voire les heures qui viennent, appartiennent au couple franco-allemand et surtout à F. Hollande.
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