La droite polonaise et l'Histoire

France Inter
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C’est l’un des événements qui avaient jalonné l’effondrement communiste en Pologne. A la suite d’une augmentation des prix alimentaires, des grèves et, bientôt, des émeutes éclatent sur la côte baltique en décembre 1970. Elles sont violemment réprimées.

Des centaines d’ouvriers sont tués ou blessés. Les arrestations sont massives et une armada d’hommes de la SB, de la police politique,(Służba Bezpieczeństwa) , est alors dépêchée dans la région pour traquer les meneurs. Tabassages, chantages, menaces de licenciements, tout est bon pour rétablir l’ordre et, comme beaucoup d’autres, l’un des interpellés finit par signer un papier dans lequel il s’engage à se comporter en bon citoyen en soutenant la police politique.

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Cet homme, un jeune électromécanicien, s’appelait Walesa - oui,Lech Walesa , aujourd’hui mondialement connu pour avoir pris la tête des grèves d’août 1980 à Gdansk, celles qui allaient donner naissance à Solidarność (Solidarité), premier syndicat indépendant du bloc soviétique, et sonner le glas du communisme.

L’épisode du papier signé en 1970 n’était pas inconnu. On savait que le jeune Walesa avait alors craqué. On le savait si bien que le film d’Andrzej Wajda consacré à la vie de ce héros retrace ce moment mais la droite nationaliste, revenue au pouvoir à l’automne dernier, s’en est emparé en mettant, lundi, sur la place publique des documents de la SB, vendus par la veuve de Czeslaw Kiszczak , le ministre de l’Intérieur du général Jaruzelski .

Rien de bien neuf dans ces documents, sauf un rapport d’officier traitant en date du 8 juin 1976 dans lequel il est signalé que « Bolek », Lech Walesa , refuse désormais tout rapport avec les services de sécurité et que son « arrogance » est telle qu’il vaut mieux de ne pas insister.

Alors question : Pourquoi la droite ressort-elle cette affaire ? La raison en est qu'il y a deux choses que la droite nationaliste n’a jamais admises. La première est que toute l’histoire de la chute du communisme en Pologne ait été tissée non pas par elle mais, outre l’Église, véritable contre-société, par des grèves ouvrières et des intellectuels issus du communisme, du catholicisme social, de l’ancien Parti socialiste ou des manifestations étudiantes de 1968.

Pour les nationalistes, ces intellectuels, ces grévistes et le communisme, c’est du pareil au même et la seconde chose qu’ils ne supportent pas est que la tenue des élections libres de 1989, celles de l’avènement de la démocratie, aient été négociée entre le régime et l’opposition, conduite par Walesa.

Dit de « la table ronde », ce processus avait inspiré les «révolutions de velours » qui s’étaient ensuivies dans toute l’Europe centrale mais, pour les nationalistes, ces négociations sont la preuve d’un complot.

À leurs yeux, ce sont les communistes qui auraient tout organisé pour conserver le pouvoir sous la démocratie et ils auraient utilisé pour cela Lech Walesa dont il faut donc faire un agent. Ce que veulent les nationalistes, c’est se poser en seuls vrais bons Polonais et dénoncer tous les autres comme des traîtres, c’est réécrire l’histoire, à l’instar de Staline.

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