En le surlignant, Zeev Sternhell n'a fait que desservir son cri d'alarme contre l'extrême-droite israélienne
C’est un texte qu’on ne lit pas sans malaise. Dans une tribune publiée par Le Monde, l’historien israélien Zeev Sternhell, spécialiste reconnu du fascisme européen, écrit noir sur blanc qu’en Israël, « il pousse sous nos yeux un racisme proche du nazisme à ses débuts ».
Alors attention ! Zeev Sternhell qu'on entendait hier sur les ondes d'Inter n’écrit évidemment pas qu’il y aurait dans son pays une volonté d’extermination des Palestiniens comparable à celle des nazis vis-à-vis des Juifs. Il dit même le contraire en soulignant qu’il n’y a pas, même chez les plus extrémistes des nationalistes israéliens, de volonté de « s’attaquer physiquement aux Palestiniens » mais il n’en dénonce pas moins le danger d’un engrenage en rappelant que bien avant de concevoir le génocide des Juifs, les nazis leur avaient nié tout droit d’homme et de citoyen.
Par ce rappel, Zeev Sternhell entend s’élever contre la colonisation des Territoires occupés, contre les dénis de droits dont les Palestiniens y sont quotidiennement victimes et, surtout, contre le projet de plus en plus ouvertement caressé par tout une partie de la droite au pouvoir de purement et simplement annexer la Cisjordanie.
Pour les défenseurs de cette idée d'annexion, il ne s’agit pas de créer un seul Etat dont les Palestiniens de Cisjordanie seraient citoyens comme le sont les Arabes israéliens. Non ! Pour l’extrême-droite israélienne, il s’agit de créer un seul Etat dont les Palestiniens ne seraient certes pas chassés mais dont ils ne seraient pas citoyens mais seulement « résidents », c’est-à-dire sans droit de vote.
Ce n’est pas le nazisme. Contrairement à ce que semble craindre Zeev Sternhell cela ne débouche pas sur une politique d’extermination mais cela finirait, en revanche, par bien vite légaliser une telle situation d’inégalité entre citoyens israéliens et résidents palestiniens, que cela serait forcément un apartheid et que l’inacceptable injustice de cette situation déboucherait obligatoirement sur des violences toujours plus grandes et irréparables.
Le projet caressé par l’extrême-droite israélienne n’est pas que contraire au droit international. Il est avant tout formidablement dangereux pour les Palestiniens, bien sûr, mais aussi pour Israël dont la légitimité morale et les appuis internationaux s’éroderaient là encore plus que dans la seule colonisation.
Le cri d’alarme poussé par Zeev Sternhell est en ce sens plus que justifié mais il est dommage – d’où le malaise – qu’il ait cru devoir surligner son avertissement en faisant cette comparaison avec les débuts du nazisme. Il s’est ainsi privé de la possibilité de se faire entendre de bien des Israéliens. Il a alimenté au passage bien des sites et des courants nauséabonds. Il a, en un mot, profondément desservi un propos juste et nécessaire.
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