Les chefs d’État et de gouvernement des 27, qui se retrouvent aujourd’hui et demain à Bruxelles, se sont réunis un nombre record de fois cette année. Un signe du poids croissant cette institution plus politique, plus « lisible » aux yeux des citoyens.
La disparition de Valery Giscard d’Estaing nous a rappelé qu’il avait été à l’initiative de la création, en 1974, du Conseil européen, la réunion des Chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne. Ca parait difficile de croire qu’il n’existait pas avant, tant il est devenu le lieu central des décisions des 27.
Et cette année 2020 si particulière a vu le Conseil se réunir, virtuellement ou physiquement, un nombre record de fois. Pendant les périodes de strict confinement, les réunions se tenaient en visioconférence, mais il y manquait les apartés, les négociations de couloirs, les moments de vraie-fausse tension...
Pour cette raison, les rencontres importantes se tiennent en présentiel. Ce fut le cas lors du sommet extraordinaire de juillet qui décida du plan de relance à 750 milliards d’euros, non sans avoir joué les prolongations pour surmonter les désaccords, comme dans les meilleures dramaturgies européennes.
C’est de nouveau le cas aujourd’hui et demain à Bruxelles, tant l’agenda est chargé et important, montrant une fois de plus que le pilotage de l’Europe est politique - et pas bureaucratique.
On a souvent reproché à l’Europe d’être dirigée par « Bruxelles », c’est-à-dire une technostructure anonyme, non-élue, et censée ne rendre de comptes à personnes.
L’administration européenne existe, évidemment, avec à sa tête la Commission, mais les chefs d’État et de gouvernement des 27 ont plus que jamais le pouvoir, et le font savoir. Ils ont, eux, un mandat démocratique, et des comptes à rendre à leurs citoyens. Tout comme le Parlement européen, même si celui-ci n’a pas l’importance que souhaiteraient ses élus.
C’est au Conseil européen qu’il reviendra aujourd’hui de régler le conflit avec la Pologne et la Hongrie, les deux pays qui bloquaient le plan de relance, à propos de la conditionnalité des aides financières au respect de l’état de droit. Cet obstacle devrait être levé aujourd’hui, sans renoncer aux principes.
Et même si ce n’est pas à l’ordre du jour, ils feront le point sur les invraisemblables négociations sur le Brexit ; et enfin, ils décideront de la manière de faire face à la Turquie en Méditerranée orientale. Ces choix reviennent de fait aux chefs d’État et de gouvernement.
C’est assurément plus « lisible » pour les citoyens européens ; et cette recentralisation des décisions entre les mains des dirigeants élus des nations est un élément de réponse à la poussée eurosceptique un peu partout. C’est un retour à l’inter-gouvernemental devenu gage de souveraineté.
Jacques Delors, l’ancien Président de la Commission, avait coutume de décrire la construction européenne comme un « Objet politique non identifié », un « OPNI » qui, à l’instar des « OVNIS », ne ressemblait à rien de connu. Avec le pilotage du Conseil européen, et donc des chefs d’État et de gouvernement, on se rapproche de rivages plus familiers.
En montant en première ligne, ils en deviennent aussi plus vulnérables. La défausse habituelle des politiques pour qui toutes les mauvaises décisions étaient « la faute de Bruxelles » ne marche plus : Bruxelles, c’est eux, c’est nous.
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