Les termes du débat sont bien connus car la France est la dernière à l’ouvrir en Europe. Avant elle, les Scandinaves, les Britanniques, l’Allemagne ensuite, l’Espagne et l’Italie ces dernières années se sont déjà déchirés autour de la question de savoir s’il fallait ou non, beaucoup ou un peu, déréglementer le travail pour faire baisser le chômage.
Tous l’avaient finalement fait. Leurs taux de chômage en ont été diminués. C’est évidemment une bonne chose mais cette médaille a son revers puisque la protection de l’emploi en a été parallèlement réduite tandis qu’augmentait le nombre de « travailleurs pauvres », de personnes employées mais à de très bas salaires.
Alors faut-il niveler par le bas pour que plus de gens aient un travail et vivent d’un salaire plutôt que d’allocations ?
La réponse est d’autant plus difficile à donner qu’on ne peut pas raisonner que sur l’immédiat car, à terme, en faisant baisser le chômage et remettant la croissance en route, la flexibilité porte une incertaine promesse sociale que l’Allemagne confirme mais que la Grande-Bretagne infirme.
Réduire ce débat à un affrontement entre exploiteurs du peuple et défenseurs archaïques d’avantages acquis en d’autre temps ne le fait pas progresser mais pourquoi l’Europe en est-elle, bien après l’Amérique, à devoir choisir de deux maux le moindre ?
Il faut remonter, pour le comprendre, jusqu’à l’effondrement soviétique, car c'est à ce moment-là, il y a un quart de siècle, que le rapport de force entre le capital et le travail, entre les entreprises et leurs salariés, s’inverse du tout au tout dans les pays industrialisés.
Ce rapport de forces avait été totalement favorable au travail jusqu’à la moitié des années 70, jusqu’à la fin de cette période de reconstruction de l’après-guerre qui avait assuré le plein emploi et ainsi permis aux salariés d’obtenir toujours plus d’avantages sociaux et salariaux.
C’était les Trente Glorieuses mais elles s’étaient plus ou moins prolongées jusqu’à l’effondrement soviétique qui a fait disparaître le second atout que le travail avait après-guerre, cette peur du communisme qui incitait à une équitable répartition des bénéfices entre actionnaires et salariés.
Du jour où non seulement il n’y eut plus de communisme mais où la Chine et quasiment tous les pays à économie dirigée se sont convertis au marché, l’argent eut la possibilité d’aller chercher aux quatre coins du monde les investissements les plus rentables et les entreprises ont dû, bien obligé, accroître leur rentabilité au détriment de l’emploi afin d’attirer les capitaux dont elles avaient besoin.
Le rapport de forces est, oui, totalement inversé. Aussi désagréable qu’elle soit, cette réalité est incontournable mais elle ne sera pas éternelle puisque les salaires augmenteront dans les pays en développement et que l’argent n’à pas seulement besoin de dividendes mais aussi d’acheteurs et de cohésion sociale.
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