La Russie a donc proposé hier d’arrêter ses bombardements sur Alep le 1ier mars. Cela lui donnait le temps d’achever de défaire l’insurrection syrienne, de briser tout espoir de compromis entre le pouvoir et l’opposition et d’assurer, fût-elle provisoire, la victoire militaire de Bachar al-Assad.
Ce n’était pas une proposition que les pays arabes, les Occidentaux et la Turquie puissent endosser mais comme personne ne souhaitait pour autant entrer en guerre avec la Russie, les diplomates se sont mis au travail. Ce fut long, et c’est ainsi que cette réunion de Munich du Groupe international de soutien à la Syrie, de l’ensemble des puissances intéressées à ce conflit, a accouché de deux groupes de travail, sur l’humanitaire et le cessez-le-feu.
L’objectif affiché est d’assurer un accès des villes assiégées aux convois humanitaires et de favoriser, par là, une détente sur le terrain permettant d’envisager à la fois un cessez-le-feu sous une semaine et une reprise des négociations de Genève entre le pouvoir et l’opposition.
Bon. Très bien... Parfait, sauf… Sauf que cela permet en fait de donner du temps au temps pour la Russie d’achever de briser l’insurrection. Si les négociations de Genève reprennent un jour, ce sera entre un pouvoir conforté par la Russie et une opposition défaite par cette même Russie. On voit mal ce qui resterait alors à négocier et c’est ce qui explique qu’à la veille de son départ des Affaires étrangères, Laurent Fabius n’ait pas été loin de dénoncer une connivence entre Moscou, Téhéran et Washington - oui, Washington car le fait est que les Etats-Unis ne font rien là pour contrarier les ambitions russes.
Plus spectateurs qu’acteurs, les Américains laissent faire. Ilsse désintéressent de ce conflit et la raison en est claire. Ils ne veulent plus se réengager au Proche-Orient parce qu’ils sortent d’en prendre et n’estiment plus, surtout, que leurs intérêts vitaux soient en jeu dans cette région où tout leur importait tant hier. L’Amérique s’accommoderait tout aussi bien, en Syrie, d’une victoire du régime que de celle de l’opposition. Si l’Iran prenait, demain, le pas sur l’Arabie saoudite, cela ne la gênerait pas plus que l’inverse puisqu’elle peut aussi bien s’entendre avec l’un qu’avec l’autre.
Si le Proche-Orient finit par plonger dans une guerre de Trente ans, c’est très triste, pense-t-elle bien sûr, mais beaucoup plus dommageable pour le Proche-Orient lui-même et pour l’Europe qui est en première ligne que pour les Etats-Unis qui, eux, sont loin et tout occupés en Asie.
Pour l’Amérique, ce qui compte aujourd’hui, c’est sa rivalité avec la Chine, c’est le Pacifique, et si la Russie tient tant à aller s’embourber dans l’Orient compliqué, grand bien lui fasse ! Cela ne signifie pas que les Etats-Unis considèrent n’avoir plus rien à faire au Proche-Orient et Europe. Non. Ils vont, au contraire, intensifier leur lutte contre Daesh et renforcer l’Otan en Pologne et dans les Pays baltes qui sont membres de l’Alliance atlantique mais pour le reste… Ils ne veulent plus être le gendarme du monde.
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