Le lâchage des Kurdes de Syrie par Donald Trump, une erreur stratégique

Des manifestants kurdes syriens protestant contre la menace d’une intervention turque passent devant un véhicule de l’armée américaine, dimanche 6 octobre à Ras al-Ain, près de la frontière entre la Syrie et la Turquie.
Des manifestants kurdes syriens protestant contre la menace d’une intervention turque passent devant un véhicule de l’armée américaine, dimanche 6 octobre à Ras al-Ain, près de la frontière entre la Syrie et la Turquie. ©AFP - Delil SOULEIMAN / AFP
Des manifestants kurdes syriens protestant contre la menace d’une intervention turque passent devant un véhicule de l’armée américaine, dimanche 6 octobre à Ras al-Ain, près de la frontière entre la Syrie et la Turquie. ©AFP - Delil SOULEIMAN / AFP
Des manifestants kurdes syriens protestant contre la menace d’une intervention turque passent devant un véhicule de l’armée américaine, dimanche 6 octobre à Ras al-Ain, près de la frontière entre la Syrie et la Turquie. ©AFP - Delil SOULEIMAN / AFP
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« Trump nous a poignardés dans le dos », disent les Kurdes après la décision de Trump de se retirer de Syrie. Face au tollé de son propre camp politique, le président américain a fait volte face et limité la portée de son geste.

C’était une décision personnelle de Donald Trump, prise sans la moindre concertation et contre l’opinion de sa propre administration et de son propre parti. Si elle avait été mise en œuvre, elle aurait pu avoir des conséquences considérables. Elle nous concerne aussi puisque la France, avec le Royaume Uni, a des forces spéciales dans cette partie du nord-est de la Syrie, et que des milliers de djihadistes étrangers sont prisonniers des forces kurdes de Syrie, y compris des Français.

Pour Donald Trump, qui cherche à reprendre l’initiative en pleine procédure d’impeachement, l’affaire était simple : il ramène des troupes d’une guerre moyen-orientale qu’il a qualifiée dans un tweet de « ridicule ». Ses électeurs ne pouvaient qu’approuver ; mais même dans les rangs républicains, le tollé est considérable parmi des élus outrés de voir les États-Unis abandonner leurs alliés kurdes qui ont mené la guerre au sol contre Daech. 

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Face à l’ampleur des réactions négatives, le Président a fait volte-face : il a affirmé, contre toute évidence, qu’il n’avait pas donné son feu vert à la Turquie pour intervenir en Syrie, et a limité l’ampleur du retrait de troupes. C’est la deuxième fois que ce scénario se reproduit : en janvier dernier, son ministre de la défense Jim Mattis avait démissionné pour protester contre une décision similaire, finalement annulée.

Comme la première fois, c’est après une discussion téléphonique avec le Président turc Erdogan que Trump a pris sa décision : pas de hasard, c’est la Turquie qui veut voir partir les Américains pour intervenir dans cette partie de la Syrie et en déloger les combattants kurdes.

C’est après une discussion téléphonique avec le Président turc Erdogan que Trump a annoncé sa décision : pas de hasard, c’est la Turquie qui veut voir partir les Américains pour intervenir dans le nord-est de la Syrie et en déloger les combattants kurdes.

Le risque était donc de voir l’armée turque attaquer les positions tenues par les Kurdes. Hier alliés de la coalition internationale contre les djihadistes, ceux-ci seraient traités comme des terroristes par l’armée d’Ankara. « Trump nous a poignardés dans le dos », ont commenté les Kurdes.

Pour les Kurdes, une telle situation les contraindrait à choisir entre des mauvaises solutions. Une alliance avec le régime de Bachar el-Assad risque d’être préférable à l’ennemi mortel turc ; on pourrait donc assister à un retournement dont Damas, et ses alliés russes et iraniens, seraient les grands bénéficiaires.

L’autre grande question est celle des prisonniers, qui inquiète les Européens. Hier, le Quai d’Orsay a réaffirmé que « les combattants terroristes devaient être jugés là où ils ont commis leurs crimes ». Mais par qui ? Par les Turcs, par Damas ? Cette position risque d’être rapidement intenable, d’autant que d’autres pays européens prennent des positions différentes et veulent les rapatrier pour les juger chez eux.

La décision de Trump avait tout d’une erreur stratégique, même si, lui, n’y voyait qu’un bon coup électoral. C’était une faute morale vis-à-vis de ses alliés kurdes ; une erreur politique en donnant les clés de la sécurité régionale à un acteur comme la Turquie d’Erdogan ; et un dangereux pari sécuritaire en prenant le risque de permettre à Daech de ressurgir.

L’homme seul de la Maison Blanche a plusieurs fois été léger dans ses décisions, mais rarement aussi catastrophique que vis-à-vis des Kurdes, victimes d’une nouvelle trahison. Mais c’est peut-être la décision irrationnelle de trop pour ce président assiégé.

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