Le pape a écrit aux 12 à 15 millions de catholiques de Chine pour expliquer l’accord conclu il y a quelques jours entre le Vatican et le pouvoir communiste. Un accord dénoncé par une partie des catholiques de Chine.
Le pape François a-t-il trahi les catholiques de Chine ? La question peut surprendre, et pourtant c’est ce que pense une partie des catholiques du dernier grand pays communiste au monde.
Le pape a pris l’initiative d’adresser hier une très longue lettre en chinois aux fidèles catholiques de ce pays, troublés par l’accord, annoncé il y a quelques jours, entre le Vatican et Pékin. C’est un compromis historique sur la nomination des évêques catholiques en Chine où il existe toujours deux églises, l’une officielle, dite « patriotique », inféodée au pouvoir communiste, et la clandestine, restée fidèle au Vatican - et persécutée.
Dans sa lettre, le pape François reconnait que certains fidèles des catacombes ont pu se sentir « abandonnés par le Saint-Siège » -ce sont ses propres mots-, après tant de souffrances endurées depuis soixante ans de rupture entre Rome et Pékin.
Dans l’avion qui le ramenait de Lituanie, mardi, il avait même reconnu que cet accord allait « faire souffrir » une partie des membres de l’église souterraine.
Comme tout compromis, l’accord comprend des concessions de chaque camp. Le Vatican se voit reconnaître pour la première fois un droit de regard sur la nomination des évêques officiels.
Le prix à payer a été de réintégrer dans l’église universelle sept évêques chinois, nommés par Pékin, et qui avaient été excommuniés par le Vatican. L’un d’eux est même député au Parlement chinois, il est désormais adoubé par le pape, c’est un succès politique pour le pouvoir.
Dans sa lettre, François dit espérer une « unité entière et visible » de l’église catholique chinoise, ce qui signifie, à terme, la disparition de l’église souterraine au profit de l’officielle. C’est dur à avaler pour beaucoup de fidèles qui ont enduré des persécutions au nom de leur fidélité à Rome.
La condamnation la plus virulente est venue du Cardinal Joseph Zen, évêque émérite de Hong Kong, opposant farouche à tout rapprochement avec Pékin. « Je ne peux vraiment pas comprendre comment les gens peuvent dire qu’un mauvais accord vaut mieux que pas d’accord. Je ne pense pas que ça soit correct », a-t-il déclaré.
Dans l’église souterraine, les fidèles les plus âgés qui ont tout enduré seront viscéralement contre la réconciliation proposée, selon un bon connaisseur de cette église. Le pape sait qu’il leur fait du mal, et s’en excuse dans sa lettre, mais il vise le moyen ou le long terme dans un pays-clé du monde.
Le risque, pour le pape, est que cet accord survient à un moment où la politique religieuse du pouvoir chinois est la plus restrictive depuis trente ans. Le gouvernement s’apprête à interdire les images religieuses en ligne, et pousser la sinisation des cultes.
Si le parti communiste utilise cet accord pour renforcer son contrôle sur les catholiques, les détracteurs du pape auront eu raison. C’est donc un authentique pari politique autant que religieux qu’a fait le pape François.
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