Il n’est pas trop tard mais, au lieu de faire avancer les choses, la France les a, hier, compliquées et bien inutilement passionnées
De lui, sur un sujet tellement explosif et complexe, on aurait attendu mieux. Devant le drame de l’Aquarius, on aurait attendu d’Emmanuel Macron qu’il sache dire qu’il y a deux ans que les partenaires européens de l’Italie, la France comme les autres, la laissent se débrouiller avec les centaines de milliers de réfugiés qui s’échouent sur ses côtes et qu’elle a si longtemps accueillis avec tant de compassion.
Cet hommage rendu, il aurait alors pu constater – car c’est la réalité – que si les Italiens ont voté pour des partis dénonçant tout à la fois l’Union européenne et l’afflux de réfugiés, c’est que l’Union a trahi l’Italie et que les Italiens ne peuvent plus aujourd’hui accueillir à eux seuls tant de damnés de la terre.
Cela aurait permis à Emmanuel Macron de continuer en disant qu’il fallait donc voir dans le refus de laisser accoster l’Aquarius un appel à la solidarité européenne, que la France entendait cet appel, qu’elle ouvrait ses ports à ce radeau de la Méduse en raison d’une urgence que chacun ressent mais qu’elle appelait tous les pays de l’Union, Italie en tête, à travailler de concert à des vraies solutions, passant par la répartition des réfugiés politiques entre les Etats membres ; le renvoi des migrants économiques ; le développement d’une police commune des frontières européennes et l’ouverture d’une vraie réflexion, à 27, sur le soutien au décollage des économies africaines qui est la seule véritable solution à cette crise migratoire.
Non seulement la France se serait ainsi grandie mais elle aurait aussi pu faire bouger les choses, le tenter au moins. Son président aurait été là à la hauteur de son art de « l’en même temps », de cette rare capacité à faire comprendre et prendre en considération les raisons de l’autre et toutes les données d’un problème mais ce ne fut, hélas, rien de tout cela.
Ce fut bien plutôt la dénonciation, par le président lui-même, du « cynisme » et de « l’irresponsabilité » du gouvernement italien que le ministre des Affaires étrangères a appelé à revenir sur sa décision comme si la France, elle, ne pouvait rien faire et que l’Union n’avait rien à se reprocher. Ce fut également, la surprenante déclaration d’un porte-parole de la République en marche estimant que la décision italienne était « à vomir » et bien sûr, évidemment, hautement prévisible, une réaction outrée de l’Italie dénonçant, « l’hypocrisie » des réactions françaises.
Il n’est pas trop tard mais la France n’a rien fait avancer hier. Elle a compliqué et bien inutilement passionné les choses alors que le nouveau président du Conseil italien est attendu vendredi à l’Elysée et que sur tous les fronts, Trump, Russie, Proche-Orient, l’absolue nécessité est de maintenir et consolider l’unité de l’Europe.
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