

Donald Trump avait décidé tout seul de retirer ses soldats de Syrie, mais, dans le chaos de son administration, plus personne ne sait quelle est la position exacte des États-Unis.
Depuis deux ans, la politique étrangère américaine a été imprévisible et erratique, mais jamais aussi chaotique et incompréhensible qu’aujourd’hui dans l’affaire syrienne. La manière de prendre des décisions de Donald Trump, dans un domaine aussi grave que l’envoi ou le rappel de troupes américaines sur un théâtre de guerre, provoque un imbroglio tel que plus personne ne sait quelle est la position réelle des États-Unis.
On en est au point où les principaux responsables de la diplomatie américaine énoncent des positions différentes au même moment, et Donald Trump lui-même accuse le New York Times d’avoir menti en affirmant qu’il était revenu sur sa décision un peu hâtive de retirer ses soldats de Syrie.
Quant au Conseiller à la sécurité nationale de la Maison Blanche, John Bolton, il s’est fait humilier publiquement hier par le Président turc Recep Tayyip Erdogan.
Alors que le public américain a les yeux rivés sur la crise du "shutdown", la politique étrangère américaine est un chaos à la mesure d’un président dysfonctionnel, qui prend des décisions sans consulter personne et sans en assumer les conséquences.
C’est un psychodrame en trois actes. Premier acte, le mois dernier, Donald Trump est au téléphone avec le Président turc, et annonce, à la surprise de son interlocuteur comme de ses propres conseillers, qu’il va retirer les 2000 soldats américains de Syrie. Ces hommes y sont, au côté de forces spéciales françaises et britanniques, en appui aux Kurdes qui ont combattu Daech et reconquis son fief de Raqqa.
Trump déclare, contre toute évidence, que Daech est vaincu, que les Américains n’ont plus rien à faire en Syrie, et que l’Iran peut y faire ce qu’il veut.
Ce coup de théâtre provoque la démission fracassante de son Ministre de la défense, le général Jim Mattis ; les Français et les Britanniques sont mis devant le fait accompli, et les Kurdes redoutent une attaque turque car Erdogan les considère comme des « terroristes » à éliminer.
Deuxième acte, l’entourage du Président, mais aussi les Israéliens furieux de voir Trump laisser le champs libre à l’Iran en Syrie, l’amènent à temporiser. Le retrait immédiat devient étalé, c’est aussi ce que demandait discrètement la France.
Le troisième acte est plus confus, et on ne sait plus réellement où on en est. John Bolton, le Conseiller de Donald Trump, a déclaré en se rendant en Turquie que les soldats américains ne se retireraient que si le président Erdogan s’engageait à protéger les combattants kurdes syriens. « Bolton a commis une très grave erreur » lui a répondu publiquement le président turc furieux, en refusant de le recevoir.
Au même moment, à l’autre bout du Moyen Orient, le Secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo déclarait que les troupes allaient bien se retirer comme l’a annoncé Donald Trump, sans faire état de conditions.
Ce serait risible s’il ne s’agissait de la première puissance mondiale, du sort de populations et de régions au cœur d’un conflit majeur. Peut-être une manière pour nous, Européens, de réaliser que nous nous engageons dans une ère post-américaine, dans laquelle on ne pourra plus compter systématiquement sur l’Oncle Sam.
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