

Direction la Russie, ce matin, accusée d'être à l'origine de cyber-espionnage par les Etats-Unis
Vous avez certainement suivi l'affaire de ces 20 000 courriels publiés en vrac par Wikileaks, l'organisation de Julian Assange qui, je le rappelle, vit toujours enfermé dans l'ambassade équatorienne à Londres, et qui ont mis une pagaille monstre aux Etats-Unis. En pleine convention démocrate, ces courriels montrait combien l'appareil du parti a favorisé Hillary Clinton et multiplié les coups bas pour discréditer son opposant Bernie Sanders. Or derrière ce piratage informatique, on devine l'ombre de Vladimir Poutine. Ce serait en tous cas l'hypothèse du FBI. Inutile de préciser que la machine à complot s'est immédiatement mise à carburer à plein régime. D'autant que l'auteur présumé de ce piratage, un certain Guccifer 2.0, semble manquer de, comment dire... crédibilité. Il dit être roumain or lorsque le magazine américain Vice l'a interrogé, il a commis des fautes basiques dans la langue qui est censée être sa langue maternelle. Eh puis, pirater les serveurs du parti démocrate américain, c'est énorme pour un seul homme.
Mais est-ce crédible de pointer ainsi la Russie ? Tout à fait crédible. Que sait-on ? Que la Russie a très mal vécu au début des années 2000 les fameuses révolutions dites « couleurs » qui, de la Géorgie à l'Ukraine, ont renversé des régimes qui lui étaient favorables. Moscou a systématiquement accusé les Etats-Unis d'avoir fomenté ces renversement de régime par le biais d'ONG et surtout, par le biais des réseaux sociaux. Or Moscou n'avait probablement pas tort. La Russie a donc voulu rattraper son retard. C'est chose faite. D'abord, histoire de tester ses capacités, elle s'en est pris à l'Estonie en 2007, paralysant entièrement le pays balte. En 2008, en plus d'une vraie guerre à l'ancienne contre la Géorgie, la Russie a tenté – et en partie réussi – à paralyser informatiquement Tbilissi. Depuis, les capacités de nuisance informatique russes n'ont cessé de se dévolopper et de se rafiner. On est passer du cyber-espionnage classique – façon NSA – à la cybernuisance en hackant des banques, des journaux et, en Ukraine, des centrales électriques.
Mais elle a bon dos, la Russie ! Beaucoup d'autres pays pratiquent aussi le cyber-espionnage... La Chine est régulièrement accusée par les Etats-Unis de piratage majeur et souvent économiques d'ailleurs, histoire de s'approprier à bon compte des technologies américaines ou européennes. On sait aussi, par exemple, qu'Israël a carrément lancé un appel auprès des ados du pays pour rejoindre des unités de hackers et de cyber-espions. C'est malin, parce qu'on sait combien les ados peuvent être passionnés par le codage informatique et les jeux vidéos. Mais les plus efficaces sont peut-être ceux auquel on pense le moins : un transfuge nord-coréen a expliqué lors de son debriefing par les services sud-coréens que Kim Yong Un disposait d'une armée de 6 000 informaticiens spécialement entraînés à la cyberguerre. Le tout rassemblé dans un mystérieux « bureau 121 » dépendant directement du leader nord-coréen. En fait, la cyber-guerre est à la fois une arme sophistiquée et très frustre, puisqu'elle peut être conduite dans un cul de basse fosse pour peu qu'il y ait du wifi. J'exagère à peine, mais c'est vrai qu'elle est devenue l'arme de prédilection de régime trop pauvre pour se lancer dans une course classique aux armements ou d'organisation militante et non étatique. Bienvenue dans le 21ème siècle.
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