

Les partisans d’Alexei Navalny sont descendus dans la rue hier à travers la Russie, malgré le déploiement policier. Il y a eu plus de 4000 interpellations, mais le mouvement en faveur de l’opposant emprisonné se poursuit.
Ce n’est pas la première fois que la Russie connait des manifestations contre Vladimir Poutine ; mais ce qui s’est passé hier, pour le deuxième dimanche consécutif, donne le sentiment que le Kremlin prend la menace très au sérieux, après l’avoir sous-estimée.
Les images de Moscou, Saint Petersburg et de très nombreuses autres villes, montrent les mêmes scènes : des manifestants bravant parfois un froid polaire, des déploiements policiers considérables, une brutalité sans retenue et plus de 4000 arrestations. Parmi elles, figure Iulia, la femme d’Alexei Navalny, le leader de l’opposition dont l’arrestation il y a quinze jours a tout déclenché.
Il y a encore quelques semaines, le Kremlin traitait par l’ironie les gesticulations d’Alexei Navalny à partir de Berlin. L’opposant se remettait en Allemagne de la tentative d’assassinat subie l’été dernier en Sibérie. Poutine l’a sous-estimé à ses propres dépens.
Navalny a retourné la situation… en se faisant arrêter ! Cela peut sembler étrange, mais le retour en Russie de l’opposant de 44 ans, entouré de nombreux journalistes, a été un coup de maître. Le pouvoir russe a cru que Navalny n’aurait pas l’audace de revenir se livrer à ceux-là même qui avaient tenté de l’assassiner. Un exil durable aurait minimisé son impact en Russie.
Mais non seulement Navalny a eu le courage de revenir malgré une arrestation garantie, mais il a lâché une véritable « bombe » alors qu’il était déjà sous les verrous. Elle a pris la forme d’une longue vidéo sur un palais fastueux au bord de la mer noire, propriété de Poutine lui-même, selon l’opposant. La vidéo a été visionnée plus de cent millions de fois, ce qui montre à quel point le sujet de la corruption de l’élite est explosif.
Depuis, Poutine a pris la parole pour nier que ce palais soit sa propriété. Mais, même sans citer le nom de Navalny, il s’est mis à son niveau, l’érigeant ainsi en opposant numéro un du Kremlin. De quoi rallier tous les mécontents autour de sa personnalité, qui ne fait pourtant pas l’unanimité.
Poutine est-il menacé ? La force est évidemment du côté du maître du Kremlin, et s’il y a menace, elle n’est pas de cette nature.
Deux questions doivent néanmoins inquiéter Vladimir Poutine : la première est la capacité de Navalny et de ses amis à mobiliser des soutiens en dehors de leur cercle habituel, celui de la jeunesse urbaine. Si le ressentiment contre un homme au pouvoir illimité depuis deux décennies et qui n’est pas près d’y renoncer, gagne plus largement la population, la crise changera de nature.
L’autre est celle des réactions internationales : l’affaire Navalny coïncide avec l’arrivée d’une nouvelle administration américaine, qui a eu des mots très fermes pour condamner la répression. Tonalité moins dure en Europe, mais la visite jeudi à Moscou du chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, pour demander la libération de Navalny, donnera le ton de la suite.
D’ici là, Alexei Navalny comparait une nouvelle fois devant un tribunal dès demain ; le Kremlin a encore une chance de désamorcer la crise, mais il n’aime pas reculer, ce n’est pas dans sa nature.
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