

Un dignitaire saoudien et un ambassadeur de France ont, par leurs déclarations, illustré le changement de priorités au Moyen Orient – aux dépens des Palestiniens.
Si les Palestiniens avaient eu besoin de signes du changement radical de climat politique au Moyen Orient, cette semaine les aurait éclairés. Coup sur coup, des « petites phrases » prononcées par un haut dignitaire saoudien, et par l’ambassadeur de France en Israël, ont signifié le changement d’époque ; pas vraiment en faveur des Palestiniens, perdants d’un basculement de priorités.
La déclaration saoudienne est la plus significative, dans le contexte de la reconnaissance d’Israël par deux pays du Golfe, les Émirats arabes unis et Bahrein. L’Arabie saoudite n’a pas franchi le pas, mais a autorisé le survol de son territoire par les avions de l’État hébreu, et les contacts officieux se sont multipliés. Mais le vieux roi Salman, gardien des lieux saints de l’islam, empêche pour l’heure la normalisation.
A Ryad, néanmoins, un membre de la famille royale, le prince Bandar, ancien chef des services secrets, a déclaré sans équivoque à une chaîne saoudienne, que le Royaume devait se concentrer sur ses enjeux de sécurité nationale, plutôt que sur ceux des Palestiniens. En d’autres termes, face à la menace de l’Iran, il faut se rapprocher d’Israël - et tant pis pour les Palestiniens.
C’est un vrai lâchage, et pour bien enfoncer le clou, le prince Bandar a lancé une vive attaque contre les dirigeants palestiniens, auxquels il reproche d’avoir critiqué les pays qui ont reconnu Israël, et de s’être rapprochés de la Turquie et de l’Iran. « Nous avons atteint nos limites avec ces types », a-t-il dit sans prendre de gants.
La déclaration de l’ambassadeur de France à Tel Aviv, Eric Danon, est d’une autre nature, mais elle illustre, elle aussi, le changement d’époque. Le diplomate a déclaré lors d’une conférence que la solution à la question palestinienne ne serait pas nécessairement « deux États », l’un israélien, l’autre palestinien, comme le veut la doctrine française et internationale depuis des décennies.
L’ambassadeur a réaffirmé que la France, l’un des défenseurs habituels de la cause des Palestiniens, estimait que la formule des deux États était, selon ses mots, la « meilleure solution ». Mais que si Israéliens et Palestiniens s’entendaient sur autre chose, la France pourrait l’accepter, sans autre précision. Cette petite phrase a fait du bruit, et si Paris a nié qu’il y ait un changement de cap, elle est suffisamment ambigüe pour y faire penser.
La réalité que tous les acteurs du dossier connaissent, c’est que l’idée des deux États est morte. La colonisation israélienne et le virage à droite du pays rendent cet objectif irréaliste. Le diplomate se montre pragmatique en le reconnaissant.
Mais ce « réalisme » a un revers de la médaille : vu le rapport de force actuel entre Israéliens et Palestiniens, il laisse le gouvernement israélien maître du jeu. Or si deux États sont impossibles, il n’y a que deux solutions : un seul État binational, ce que les Israéliens n’acceptent pas ; ou le statu quo à perpétuité, dans lequel les Palestiniens n’ont aucun droit, condamnés à être des non-citoyens de seconde catégorie.
Ce que le lâchage saoudien et le glissement sémantique français signifient, c‘est effectivement la perte de centralité diplomatique de la question palestinienne, dans un Moyen Orient en plein chaos et recomposition. C’est l’échec des dirigeants palestiniens, ceux du Fatah comme ceux du Hamas; mais aussi d’une communauté internationale qui n’a pas fait respecter ses propres engagements ; Un échec acté dans l’indifférence générale.
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