Nucléaire iranien : un accord historique ?

France Inter
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Anthony Bellanger.

Ce matin, vous évoquez les négociations avec l'Iran sur le nucléaire...

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Pour deux raisons. D'abord par le 7 juillet est la date limite fixée par les négociateurs : si tout va bien – les Etats-Unis, l'Iran, mais aussi la Grande-Bretagne, la Russie, l'Allemagne, la Chine et bien sûr la France devraient signer aujourd'hui.

Ça fait deux années entières que ces pays négocient un accord historique : d'un côté le contrôle du nucléaire iranien, afin de s'assurer que Téhéran ne puisse pas avoir la bombe atomique et, en échange, la levée des sanctions économiques qui pèsent sur l'Iran.

Alors, il peut tout se passer aujourd'hui : y compris un échec, c'est à dire que les parties ne se mettent pas d'accord et sont obligées de fixer une nouvelle date de limite des négociations. On connait ça en Europe : c'est exactement ce qu'il se passe avec la Grèce.

Mais si un accord était trouvé aujourd’hui, en quoi serait-il historique ?

Si elles aboutissent, c'est une vraie bonne nouvelle. Pour vous l'expliquer je ne vais pas vous faire le coup des sunnites et des chiites, ni de l'Orient compliqué. Non.

Pour vous expliquer pourquoi, je ne vais utiliser qu'un seul et unique argument – mais qui en vaut beaucoup d'autres : c'est une bonne nouvelle parce qu'un accord entre les Etats-Unis et l'Iran et l’Europe sur le nucléaire rend fou les Saoudiens. Totalement fous mêmes.

On sait que les Saoudiens détestent les Iraniens. Et ça ne date pas d'hier. L'essentiel de leur politique extérieure n'a qu'un seul but : affaiblir l'Iran. Par tous les moyens. Y compris à coup de centaines de milliards de pétrodollars. Tant que les Etats-Unis avaient le même ennemi iranien, la vie était belle pour les Saoudiens : les Américains faisaient le sale boulot, pendant que les Saoudiens, planqués derrière, s'occupaient de protéger les mosquées saintes de l'islam.

Ce petit jeu a duré trente ans et a fait de gros dégâts : les Saoudiens se sont mis à financer des centaines de mosquées radicales dans le monde entier – de l'Afrique à l'Asie en passant par l'Afghanistan, - avec le succès qu'on connait : l'expansion islamiste.

Vous voulez dire que ces négociations avec l'Iran sur le nucléaire ont changé la donne ?

Elles ont tout changé : tout à coup, les Etats-Unis se sont dit qu'il était plus intelligent d'avoir deux amis dans la région, plutôt qu'un seul : l'Iran et l'Arabie Saoudite. Sauf que ça c'est un calcul américain et pas du tout saoudien.

Les Saoudiens, de leur côté, ont vu rouge : je vous le disais, ça les rend fous ce renversement d'alliance. Alors qu'ont-ils fait ? D'abord, ils ont voulu ruiner l'Iran en faisant baisser le prix du baril de pétrole.

L'Iran n'exporte que du pétrole et des pistaches. Baisser le prix du baril, c'est baisser la rente pétrolière iranienne avant même qu'ils n'en profitent. Mais baisser le prix du pétrole, c'est aussi un cadeau pour nous : plusieurs dizaines de milliards d'euros par an, rien que pour la France.

Ensuite, toujours obnubilé par l'Iran, les Saoudiens se mettent à s'armer à tour de bras, voire s'équiper en nucléaire : ça tombe bien, la France vend des armes et des centrales.

C'est un peu cynique, certes, mais il suffit de regarder les mines réjouies de nos ministres de retour d'Arabie Saoudite. Enfin, finis les délires de grandeur religieuse aux quatre coins du monde, les Saoudiens se reconcentrent sur la Péninsule arabique, c'est-à-dire le Yémen, le Golfe et le Proche-Orient. Les salafistes en sont pour leur frais. Et c'est pour toutes ces raisons qu'un accord entre l'Iran et les Etats-Unis signé aujourd'hui à Vienne et qui rendrait fous les Saoudiens serait une très bonne nouvelle pour la paix.

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