Tandis que la France connaissait l’« Acte VIII » des gilets jaunes, la Hongrie et la Serbie vivaient elles aussi d’importantes manifestations contre le pouvoir. Mais seule la France a vécu des scènes de violence. Traits communs et différences.
Il n’y a pas qu’en France que l’on manifestait samedi : deux autres pays européens ont connu le même jour d’importantes manifestations contre le pouvoir. Dans la Hongrie dirigée par le très à droite Viktor Orban, et dans la Serbie d’Aleksandar Vucic, un ancien nationaliste assagi, des milliers de personnes ont bravé le froid pour crier leur colère. Des manifestations qui se déroulent depuis un mois à Budapest, et pour le cinquième samedi de suite à Belgrade.
Mais il n’y a qu’en France que ces rassemblements, qui ont pour trait commun de se décliner en actes consécutifs, ont produit des scènes de violence.
Les causes des manifestations sont différentes, les gouvernements concernés appartiennent à des tendances opposées, -surtout si l’on pense à Orban et Macron-, les pays eux-mêmes ont des statuts divers, la France et la Hongrie sont membres de l’Union européenne, la Serbie ex-yougoslave espère toujours y entrer un jour. Mais la comparaison des trois mouvements révèle aussi quelques similitudes.
Outre le fait que certains portaient aussi des gilets jaunes, le principal point commun est une grande méfiance vis-à-vis des partis politiques ; ils ont choisi des formes d’organisation citoyenne qui atteignent toutefois très vite leurs limites.
A Budapest, toute l’opposition politique participe au mouvement contre une nouvelle loi baptisée « esclavagiste » sur les heures supplémentaires. Mais les manifestants ne font visiblement pas confiance à ceux qui les ont déçus hier au pouvoir, et se contentent de les suivre sur une revendication sociale précise.
A Belgrade, même constat, c’est, souligne un sociologue au média en ligne "Courrier des Balkans", « un mouvement de citoyens, les partis politiques d’opposition n’ayant qu’une fonction de soutien ». Les manifestations anti-autoritaires sont nées du tabassage d’un opposant par des hommes de main apparemment liés au régime, et de l’étouffement de l’information.
Ainsi, alors qu’en France certains gilets jaunes s’estiment en dictature et dénoncent les médias, leurs homologues en Hongrie et en Serbie vivent dans des environnements bien plus autoritaires, et dans lesquels le pluralisme de l’information est menacé. Sur ce point, les manifestants vont en sens opposé.
Reste donc la question de la violence, et il est troublant que ce soit dans la plus vieille démocratie des trois, la France, que cette violence s’exprime, pas celle des habituels débordements de fin de manif, mais celle, délibérée de groupes très déterminés. Sans doute le produit de l’histoire, certains se rejouant les années 30, et d’autres le grand soir attendu ; une violence à laquelle fait écho, pour les gilets jaunes, celle des forces de l’ordre. Alors qu’à Budapest ou Belgrade, on prend soin d’éviter les dérapages qui peuvent dégénérer hors de contrôle.
Gergely Kovács, fondateur de l’équivalent hongrois du parti pirate, déclarait il y a quelques jours à un journal hongrois que « l’intensification des manifestations ne vient que lorsque le gouvernement réagit avec violence. (…) Le gouvernement fait tout pour qu’il n’y ait pas de violence », disait-il, reconnaissant étonnamment que « la police agit très professionnellement ».
Ces manifestations sont en tous cas le signe d’une Europe dans laquelle tous les modèles sont contestés : les anciens comme ceux qui prétendent les supplanter; une Europe qui doute.
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