Où l'on voit ce que disent les similitudes des campagnes présidentielles américaine et française.
A ceux qui auront manqué ce débat, en France comme à l’étranger, il n’y a qu’un conseil à donner. Qu’ils repensent à la dernière campagne présidentielle américaine, chacun en a vu quelques minutes au moins, et ils sauront exactement ce qui s’est passé hier soir.
L’un des deux candidats avançait, bons ou mauvais, des arguments rationnels à l’appui des propositions qu’il défendait à tort ou à raison. L’un était dans le débat d’idées et l’autre… Comme le candidat Trump, l’autre était dans l’invective et le ricanement permanent, dans la dénonciation de tous les maux du pays et de la terre entière dont il accusait son adversaire comme s’il en était personnellement responsable, dont elle l’accusait comme si Emmanuel Macron était l’incarnation des forces du mal, du « système », de la finance, du terrorisme et d’on ne sait plus quoi ligués dans un complot visant au malheur de la France.
Approximations, insinuations et ficelles, c’était du Trump, cette même invective et cette même promesse surtout de tout arranger et d’en revenir au bonheur par la seule vertu d’une élection, celle du vengeur, cela va sans dire.
Oui, dira-t-on, mais Trump a été élu. Il est en effet devenu le président des Etats-Unis. Il se peut que Mme Le Pen prenne dimanche soir les rênes de la France. On ne sait pas.
On verra mais la question à se poser en attendant est de savoir pourquoi la candidate du Front national séduit d’ores et déjà quelque quatre Français sur dix en jouant de la même carte que Donald Trump. La réponse est que, si ce qui avait marché aux Etats-Unis marche également en France et dans tellement d’autres pays aussi, c’est qu’il y a partout dans le monde un même malaise.
Ce malaise est une peur
Face aux bouleversements suscités par l’émergence de nouvelles puissances et la fin de l’ordre bipolaire de la Guerre froide, beaucoup de nations ont peur de l’avenir, de leur avenir.
La Russie craint de ne pas se relever de la perte de son empire. Les Etats-Unis craignent de ne plus être les maîtres du monde. La France craint de ne plus pouvoir retrouver son statut de puissance à part, fière et indépendante. La Chine craint de ne pas savoir transformer l’essai. L’Asie craint l’affirmation de la Chine et chacun craint ainsi l’autre et, dans ses frontières, ses minorités et ses immigrés. Il ne fait pas bon être Caucasien en Russie, Mexicain aux Etats-Unis etc. et à cette peur de l’étranger perçu comme menaçant dans un monde aussi déséquilibré s’ajoute, bien sûr, une peur sociale.
Comme M. Trump, Mme Le Pen a fait campagne contre les délocalisations et pour le protectionnisme, contre les immigrés et pour des frontières aussi infranchissables que des murs, ou censées l’être. Autrefois étendard de la gauche, la protection sociale devient ainsi celui des nationalistes et des extrêmes droites car l’Union européenne la menacerait.
Repères et identités politiques, tout se brouille d’un coup et si l’on ne veut pas que ce chaos devienne un avant-guerre et, un jour, la guerre, il faudra savoir apaiser toutes ces craintes, une tâche tout simplement titanesque.
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