C’est en milieu de matinée que les 28 présentent leurs propositions à la Turquie. Elaborées hier soir entre Européens, elles ne pourront que décevoir les Turcs car, sur les deux contreparties essentielles qu’ils demandaient pour aider l’Union à se sortir de la crise des réfugiés, la réponse sera, disons, évasive.
Les Turcs voulaient être dispensés de visa, à compter de juin prochain, pour des séjours de moins de trois mois dans l’espace Schengen. Il ne leur est pas dit « non » puisque cette dispense était à l’étude depuis longtemps et qu’il n’y a pas d’opposition de principe mais ce ne serait « oui » que si les Turcs remplissaient, à cette date, les 72 critères nécessaires pour obtenir satisfaction.
Ils n’en remplissent aujourd’hui qu’un tiers et, avec toute la courtoisie qu’y mettront les diplomates, ils s’entendront dire en conséquence que bien sûr, évidemment, pas de problème, dès juin s’ils sont prêts d’ici là où dès qu’ils le seront, c’est-à-dire, en fait, bien plus tard et sans passe -droit.
L’autre grande contrepartie demandée par les Turcs était que soient rapidement ouverts de nouveaux chapitres des négociations d’adhésion de leur pays à l’Union. Là, le problème est beaucoup plus compliqué puisque aucun des 28 ne veut aujourd’hui de nouveaux élargissements avant longtemps, que la majorité des Européens est fermement opposée à une adhésion de la Turquie et qu’en tout était de cause, les Turcs ne pourront pas beaucoup progresser dans ces négociations tant qu’ils n’auront pas reconnu Chypre, Etat membre de l’Union dont ils occupent la partie turcophone depuis des décennies - sans que tous les torts ne soient, au demeurant, de leur côté.
Là encore, les diplomates ont donc ciselé leurs plumes pour ne pas dire « oui » tout en ne disant pas « non » et, si admirables que soient les formules trouvées, les Turcs ne pourront qu’en comprendre le sens qui est qu’il est urgent d’attendre.
L’accord est apparemment bien mal parti mais apparemment seulement car ce n’est pas sur ces contreparties que l’affaire se joue.
Les Turcs ont mis la barre très haut puisqu’ils savent que les Européens ont besoin d’eux mais ce qu’ils veulent, au fond, c’est qu’un accord avec les Européens leur permette d’afficher et d’avoir de bonnes relations avec l’Union.
Ils y tiennent parce qu’ils sont au plus mal avec les Russes et en grand froid avec les Américains auxquels ils reprochent de trop s’appuyer, dans la lutte contre Daesh, sur les Kurdes de Syrie qui viennent de proclamer, hier, leur autonomie en fédérant leurs régions. Cette émergence d’un Kurdistan syrien quasiment indépendant inquiète les Turcs car il est limitrophe de leurs propres régions kurdes auxquelles il pourrait donner des idées.
Très isolée, la Turquie se sent menacée dans son intégrité territoriale.
Elle n’a pas moins besoin que l’Union de cet accord sur les réfugiés et c’est pour cela… Attendons la mi-journée.
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