Le crime est glaçant, la faute est stupéfiante. C’est bel et bien un crime politique que la Russie a commis en opposant, samedi, son veto à la résolution du Conseil de sécurité qui apportait le soutien de l’Onu aux efforts déployés par la Ligue arabe pour arrêter les tueries du régime syrien.
C’est un crime car, la nuit précédente, ce régime avait fait pilonner, des heures durant, un quartier d’habitation de Homs, ville phare de la révolte populaire, ensevelissant sous les décombres plusieurs centaines d’hommes, de femmes et d’enfants, tués dans leur sommeil. C’est un crime car il est criminel de ne pas condamner une telle monstruosité. C’est un crime car cela revenait à permettre à ses auteurs de poursuivre leurs boucheries, près de 6000 morts déjà, ce qu’ils ont aussitôt fait en reprenant hier le pilonnage de Homs.
C’est un crime, point à la ligne, mais c’est également une faute, une faute historique pour la Russie, car que peut-elle attendre de ce veto ?
Elle n’en conservera pas ses positions en Syrie, ses facilités portuaires et ses ventes d’armes, puisque ce régime finira, tôt ou tard, par tomber après 40 ans de dictature sanguinaire et que les Syriens se souviendront alors de l’aide que Vladimir Poutine avait apportée à Bachar al-Assad pendant que ses troupes les massacraient.
La Russie n’en gardera pas la moindre influence au Proche-Orient car les peuples et les gouvernements arabes n’oublieront pas de sitôt que c’est elle qui avait contrecarré leur rare unanimité en les empêchant d’aider les Syriens à se débarrasser des assassins qui les gouvernent.
La Russie n’en aura pas limité le rayonnement occidental dans la région car l’Amérique et l’Europe profiteront, diplomatiquement parlant, de l’abîme entre leur soutien au printemps arabe et la répulsion qu’il inspire au Kremlin.
Et, sans même parler de son image internationale qui n’en sortira grandie dans aucun pays, la Russie ne s’en rapprochera pas de ces pays qui, comme le Brésil, l’Inde et l’Afrique du Sud, restent très méfiants vis-à-vis de l’Occident mais ne peuvent plus ressentir aujourd’hui de solidarité avec Bachar al-Assad.
Avec ce veto, la Russie vient de se tirer dans le pied, d’aller contre ses intérêts à court, moyen et long terme mais pourquoi ?
Tragiquement simple, la réponse est qu’elle est dirigée par un dictateur issu de ses services de sécurité, par l’un de ces hommes qui ne croient qu’à la force et que cet homme, Vladimir Poutine, est lui-même en butte à une contestation populaire qui ne cesse plus de croître.
Ce n’est pas seulement qu’il ne croit qu’aux magasins d’armes et ne sache pas voir ce que sont la marche de l’histoire et la puissance d’un peuple qui a vaincu la peur et brave balles et chars à mains nues pour gagner sa liberté. Ce n’est pas seulement que Vladimir Poutine ne sache pas voir que la très riche Chine à moins à perdre que la pauvre Russie à leur commun veto de samedi. C’est aussi que, comme la Chine, il hait cette contagion de la liberté qui, partie de Tunis il y a un an, avait atteint Moscou il y a deux mois et vient, samedi, d’y faire redescendre dans les rues une foule qui lui criait, en un mot, de dégager.
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