

Mardi à Milan, le ministre italien de l'Intérieur d'extrême droite Matteo Salvini et le Premier ministre "illibéral" hongrois Viktor Orban ont jeté les bases d'une entente politique à neuf mois des élections européennes.
Officiellement, ils n’appartiennent pas à la même famille politique et ils ne sont pas nécessairement d’accord sur l’approche de la question des migrants qu’ils mettent au cœur de leurs préoccupations. Pourtant, lorsque Matteo Salvini et Viktor Orban se rencontrent, il y a l’affirmation d’une entente politique très significative à portée européenne.
Le Ministre de l’intérieur italien et le Premier ministre hongrois se donnent un objectif commun : torpiller l’alliance Paris-Berlin, ou Macron-Merkel si l’on préfère, et leur vision de relance de l’Europe. Ils veulent entrainer le continent dans un virage à droite toute, avec un modèle qui va de la formule autrichienne, alliance entre la droite classique et l’extrême droite, à l’expérience italienne de coalition entre la Ligue d’extrême droite et le Mouvement 5 étoiles, populiste.
Tous deux incarnent aujourd’hui l’alternative autoritaire européenne, Viktor Orban assumant pleinement le concept de démocratie « illibérale », c’est-à-dire le contraire de libérale, et s’en prenant à la justice, à la presse, aux ONG…
Salvini et Orban jouissent d’une incontestable popularité dans leurs pays. Nous pouvons les diaboliser vu de France, mais ils ont assurément conquis une part importante de leur électorat en touchant la corde sensible identitaire, et c’est un point sur lequel il faut s’interroger.
Le premier ministre hongrois a été réélu en avril dernier en accroissant sa majorité au parlement, tandis que le nouvel homme fort de l’Italie voit sa popularité grimper en flèche alors qu’il était encore un marginal il n’y a pas si longtemps.
En fait, ils ont considérablement évolué au fil du temps. Viktor Orban était un dissident libéral à la fin de la période communiste en Hongrie, pour devenir « illibéral » avec le temps, offrant aux Hongrois une revanche sur une histoire troublée.
Plus jeune, Matteo Salvini a pris en 2013 la tête d’un parti qui était à la base une formation séparatiste du nord, qu’il a recentrée : il a placé la question des migrants au cœur de son action, et flatté un nationalisme italien mal défini. L’incohérence de l’Europe sur les migrants depuis 2015 a fait le reste.
Tous deux n’hésitent pas à recourir à des boucs émissaires pour expliquer les malheurs de leurs pays, comme on l’a vu lors de la catastrophe de Gênes où Matteo Salvini a désigné un coupable : l’Europe. Le leader de la Ligue prépare l’opinion pour la tempête économique qui s’annonce en Italie, pour laquelle il pourra, là encore, accuser l’Europe.
L’un comme l’autre bénéficie de l’absence de réelle opposition. Ainsi en Italie, les partis traditionnels se sont effondrés, laissant la voie libre à Salvini et à sa logique de coups d’éclats à la Trump. Tout se passe comme si la force de ce Front du refus était surtout la faiblesse de ses adversaires. Tout comme sa capacité à parler d’identité, perçue comme la question centrale de cette période troublée.
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