Situation tendue à la frontière turco-syrienne

France Inter
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La situation à la frontière entre la Turquie et la Syrie s'est beaucoup tendue depuis quelques jours...

Et singulièrement depuis le 20 juillet et l'attentat de Suruç, une ville turque proche de la frontière avec la Syrie. Un attentat contre un rassemblement de jeunes Kurdes qui a fait 32 victimes et une centaine de blessés.

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Un attentat presque immédiatement attribué par les autorités turques à l'Etat islamique. Depuis la tension n'a pas baissé, au contraire : hier un détachement de l'Etat islamique a attaqué, depuis la Syrie, une patrouille frontalière turque, tuant un soldat.

Là encore, les Turcs ont immédiatement accusé les djihadistes radicaux de l'EIIL. Et rien que cela – le fait pour la Turquie d'accuser immédiatement l'Etat islamique sans prendre de précautions oratoires – c'est très très nouveau.

Relance : pourtant ce n'est pas la première fois qu'un attentat est commis par l'Etat islamique en Turquie...

Vous avez raison mais jusqu'à présent, chaque fois que l'Etat islamique commettait un attentat en Turquie, les autorités turques accusaient automatiquement les services secrets de Bashar el Assad. Souvent contre toute évidence.

Pourquoi cette volonté de ne pas accuser les djihadistes ? Il faut bien comprendre que depuis le début de la guerre civile syrienne, les Turcs ont deux ennemis : le régime de Bashar el Assad et les Kurdes syriens.

Selon le bon vieux principe : les ennemis de mes ennemis sont mes amis, le président Erdogan a donc soutenu, plus ou moins ouvertement les djihadistes de l'Etat islamique, ceux lié à Al Qaida.

Ce soutien se traduit de plusieurs façons : les blessés de l'Etat islamique se font soigner côté turc. Les djihadistes se procurent des armes en Turquie. Enfin, les Turcs, c'est bien connu, laissent passer les combattants étrangers – les Français notamment.

Ce rôle de sanctuaire pour djihadiste, les Turcs ne l'ont jamais reconnu. Mais tous les journalistes de terrain l'ont constaté et les jeunes Français, Anglais, Belges ou Espagnols qui rejoignent la Syrie ne connaissent pas d'autre route que la frontière turco-syrienne.

Relance : du coup, la Turquie a créé un monstre à sa frontière...

C'est exactement cela ! Et aujourd'hui Erdogan paie le prix du sang. D'une certaine façon, on a aussi connu ça en France : pendant des années, la France a servi de base arrière aux terroristes de l'ETA. Les attentats c'était en Espagne, la retraite en France.

Dès que la complaisance française s'est arrêtée, les jours de l'ETA ont été comptés. Nous en sommes là en Turquie. Depuis 2011, Erdogan a cru manipuler l'Etat islamique, il a pensé que les djihadistes servaient ses intérêts. Il a, vous l'avez dit, créé un monstre.

Il en a même créé deux des monstres : aujourd'hui, l'armée turque est attaquée sur 2 fronts le long de 910kms de frontière turco-syrienne ! : contre l'Etat islamique mais aussi contre les Kurdes ! A vouloir jouer au plus malin, Erdogan a perdu 2 fois...

Inutile de dire que son amour propre d'autocrate en a pris un coup. Sa réaction a d'ailleurs été très violente : il a envoyé hier des avions de chasse contre l'Etat islamique et surtout, il a autorisé les Occidentaux à se servir de la base aérienne .

Jusqu'à présent, la Turquie a toujours refusé que les Américains utilisent cette base pour aller bombarder l'Etat islamique. Uniquement des drones d'observation. Cette complaisance là sembre terminée : la Turquie est désormais en guerre contre l'EIIL.

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